jeudi 2 septembre 2010

Sow Moussa Demba dit Thiombé, maire de Kaédi :





'Certains ont travaillé à banaliser l’ampleur des dégâts causés par les inondations'


Dans le courant du mois d’août, Kaédi a enregistré près de 300 mm de pluie qui ont causé une perte en vie humaine d’un enfant de 4ans dans le quartier de Jédida suite à l’effondrement d’une maison et des dégâts matériels importants. Les secours sont timides.

La solidarité agissante qui faisait autrefois la force des habitants du Fouta fait défaut. Des dizaines de familles se retrouvent dans le plus grand dénuement. Une semaine après les dernières inondations, plusieurs habitations sont encore sous les eaux qui semblent y avoir élu domicile.Une équipe de la protection civile venue de Nouakchott a ouvert une brèche pour évacuer les eaux vers le fleuve.

Entretien avec Sow Moussa Demba dit thiombé, le premier magistrat de la ville.

QDN : Kaédi vient de connaître l’une des plus graves inondations de son histoire, quelle est l’ampleur des dégâts et comment s’organisent les secours et les aides ?

SMD-T : Suite aux inondations survenues le 18 août dernier, les pouvoirs publics et la commune ont enregistré près de 310 familles sinistrées qui ont été logées dans les salles de classe du lycée et à l’école Salah Dine, contigüe au lycée. Une équipe médicale de proximité a aussi été installée au lycée. Une pluie diluvienne de 70mm enregistrée le 25 août 2010 est venue aggraver la situation.

Les dégâts matériels sont importants dans les quartiers de Kilinkaré, Dar Salam, Kebbé, Médina, Moderne, Jedida, aéroport où plusieurs habitations en banco se sont effondrées tandis que d’autres en dur résistent encore mais sont inhabitables. L’engorgement des bassins de rétention des eaux de ruissellement freine l’écoulement des eaux qui stagnent. Les pouvoirs publics, par l’entremise du CSA ont apporté une aide d’urgence aux 310 familles dont chacune a reçu un sac de 50 kgs de riz, 5litres d’huile, 10 kgs de sucre, 4kgs de dattes, 1 tente.

On aurait souhaité aussi qu’il y ait des nattes et des couvertures. Nous avons procédé à une distribution de moustiquaires imprégnées au profit des 310 familles. Je tiens à remercier particulièrement Le GRDR, une ong internationale basée à Kaédi qui a apporté une aide d’urgence de 50 kits composés chacun de 02 couvertures, de 02 nattes, d’une bâche, d’une marmite, d’un plat, d’un bidon vide d’une capacité de 20 litres et d’une bouteille d’eau de javel, au profit d’une cinquantaine de familles sinistrées, sous la supervision de la commune.

D’autres Ongs : PAM, CRM, CRF, World Vision, FLM sont venus faire l’état des lieux en vue d’évaluer les besoins et apporter leur appui aux nombreuses populations sinistrées mais à ce jour aucune aide concrète n’est arrivée alors que les sinistrés ont besoin d’une aide d’urgence et non d’une aide classique qui peut prendre beaucoup de temps. Nous n’avons pas apprécié l’attitude de certaines Ongs islamiques qui auraient procédé à des distributions d’aides mais on ne sait à qui et comment cela a été effectué.

QDN : Aussitôt après les inondations du 25 août dernier, une commission interministérielle présidée par le PM a été mise sur pied par le gouvernement. La visite d’une délégation ministérielle comprenant les ministres de l’intérieur, de l’équipement et des transports, de l’urbanisme et de l’habitat et du commissaire à la sécurité alimentaire était attendue le lendemain, jeudi 26 août dernier avant d’être annulée et remplacée au dernier moment par une délégation conduite par le directeur de l’administration territoriale et comprenant des représentants de différents ministères concernés au grand dam des sinistrés. Que s’est-il passé au juste ?

SMD-T : Certains oiseaux de mauvais augure ont travaillé à banaliser l’ampleur des dégâts causés par les inondations. Je suis moi-même surpris par l’annulation de l’arrivée à Kaédi de la délégation ministérielle. J’ai été informée par le wali mouçaid chargé des affaires administratives aux environs de 14 heures et aucune raison ne nous a été avancée. Cette délégation ne peut prendre aucune décision urgente comme aurait pu le faire un ministre. Son rôle a été de s’informer de l’ampleur des dégâts et de faire son rapport aux ministres respectifs qui rendront compte au PM.

Et l’expérience a montré qu’à chaque fois qu’il y a des intermédiaires pour la transmission d’une information, cette dernière s’en est souvent trouvée écorchée. De la bonne information dépend la bonne décision. Pendant ce temps, les sinistrés risquent de s’impatienter tellement ils ont besoins d’aides urgentes. On garde bon espoir que la commission interministérielle sur les inondations de Kaédi prendra les bonnes décisions afin que de tels désagréments devenus récurrents ne se reproduisent plus.

QDN : L’administration locale n’aurait pas apprécié le tapage- lobbying que vous avez fait autour des inondations de Kaédi. Y aurait-il un lien entre cette réaction et l’annulation de la visite d’une délégation ministérielle qui devrait se rendre à Kaédi pour évaluer les dégâts causés par les eaux ?

SMD-T : Je ne pense pas. Je ne peux établir un lien entre les deux faits. Ce qui est sûr, c’est que certains segments de l’administration même au niveau national, estiment que nous avons fait un tapage autour des inondations de Kaédi. J’espère que le rapport que présentera la mission d’évaluation nous donnera raison et que nos détracteurs sauront que ce n’était pas du tapage mais bien une triste et dure réalité que vivent les nombreuses populations sinistrés et sans-abri.

QDN : Une semaine après les inondations, les eaux ne coulent pas. Plusieurs habitations demeurent encore sous les eaux et les risques de maladies hydriques deviennent plus grands. Quelles solutions envisagez-vous avant que la commission interministérielle n’agisse ?

SMD-T : Les pouvoirs publics ont dépêché depuis quelques jours une équipe de seize éléments de la protection civile qui travaillent d’arrache-pied depuis leur arrivée à Kaédi. Elle est parvenue malgré ses faibles moyens (04 motopompes de faible puissance) à ouvrir une brève pour faire évacuer les eaux vers le fleuve depuis lundi. Au rythme où l’eau coule, il n’en faudrait pas moins de trois semaines pour curer totalement les eaux stagnantes et compter sur le fait qu’il ne pleut pas entre temps. Pendant ce temps, les habitations encore humides demeureront sous les eaux et cette situation fait craindre des risques de prolifération de maladies (le paludisme et les maladies diarrhéiques, voire des épidémies). Et dans ce cas de figure, le nombre de sinistrés risque de croître davantage.

QDN : Les sinistrés déplorent la faiblesse de l’aide apportée par les pouvoirs publics et le manque de solidarité, de présence à leurs côtés de la part des cadres, élus et ressortissants de la wilaya et la diaspora Kaédienne. Partagez-vous cette observation ?

SMD-T : Le chef de la mission d’évaluation Hamada Ould Meimou, directeur de l’administration territoriale a annoncé que d’autres quantités de vivres et d’équipements arriveront bientôt pour soutenir les sinistrés. Au nom des populations sinistrées de ma commune, j’en appelle au président de la république qui est très sensible à tout ce qui touche à la vie des citoyens, à leur bien-être, afin qu’une solution urgente et définitive soit trouvée pour les populations sinistrées dont la plupart se trouve dans le plus grand dénuement.

Quand aux élus, cadres et ressortissants de la diaspora, je suis frappé par la timidité de leurs réactions face à la catastrophe qui frappe la commune de Kaédi depuis près de deux semaines déjà. Je leur demande de bien vouloir se mobiliser à nos côtés et d’apporter leurs soutiens aux sinistrés dont le nombre a beaucoup augmenté après les précipitations du 25 août 2010.

Propos recueillis par Vieux Gaye


Source :
Le Quotidien de Nouakchott

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