samedi 20 février 2010

Route Atar/Tijikja : Le marché de toutes les aberrations.




Le lancement de l’Appel d’Offres pour la réalisation de la route Atar/Tijikja provoque beaucoup de bruits et de mécontentements au sein des entreprises nationales et même internationales.

La précipitation de l’administration a causé beaucoup de fautes dans le document d’Appel d’Offres et les critères d’éligibilité préconisés excluent automatiquement les entreprises nationales de la course.

De nombreuses voix réclament un délai supplémentaire et une intervention des hautes autorités pour l’application de clauses de préférence nationale et la protection de potentiels candidats mauritaniens.

Une route qui relie Atar à Tijikja fait rêver et rappelle le passé avec ses caravanes transportant, au moyen âge, les produits commerciaux d’un bord à l’autre pendant et, apportant en plus de cela, d’autres produits de la civilisation orientale, particulièrement l’islam.

Afin de ressusciter le passé glorieux et encourager le tourisme, le gouvernement a décidé de construire entre les deux villes une route bitumée, longue de 367 kilomètres. Le financement (ou une grande partie de l’enveloppe financière : 100 millions de dollars) a été trouvé auprès de la Banque Islamique de Développement (BID) et du Fonds Arabe de Développement Economique et Social (FADES).

Un bureau conseil a été recruté, a conçu de manière hâtive le document de l’appel d’offres qui a été lancé lui aussi sous le sceau de l’urgence et de la précipitation. Pour la visite des lieux, une étape importante du processus, une cinquantaine d’entreprises ont fait le voyage.

Ils étaient encadré, sécurité oblige, par une patrouille de la gendarmerie nationale et la visite proprement dit des sites n’a pas eu vraiment lieu dans la mesure où le tracé n’était pas apparent et les gendarmes veillaient à ce qu’aucune voiture ne reste seule de peur de rapt ou d’attentats.

Il est vrai que postulant doit accomplir cette formalité qui fait partie du dossier mais, généralement, les entreprises reviennent, chacune selon son calendrier, pour prospecter le terrain afin de prélever la carrière, l’analyser dans le laboratoire et savoir si elle est bonne pour a la construction de la route; définir l‘emplacement de l’eau ou éventuellement le forage…

Tout cela n’a pas eu lieu et, bizarrement l’administration semblait très pressée à lancer les offres qui ne sont pas également bien déterminée parce que l’enveloppe dégagée est loin d’être suffisante pour couvrir les frais d’une route répondant aux normes internationales en la matière.

Pour cela et parce que l’administration n’a pas fait son choix, les soumissionnaires sont appelés, chacun, à présenter huit offres pour chacun des quatre tronçons. La tutelle tranchera après pour le choix du type et de la qualité de la route en fonction du prix et conformément aux moyens disponibles.

Exclure les siens, un objectif.

Depuis le début des années 80 et avec l’arrivée du Fonds Monétaire International, les entreprises nationales de BTP (Bâtiments et Travaux Publics) ont été reléguées au rang de simples sous-traitants. Les bailleurs de fonds ont pris la place des administrations et avaient donc le loisir de définir les critères de sélection des entreprises.

Ainsi, ils avaient le loisir d’instituer les normes et les exigences, tel que le chiffre d’affaires ou l’expérience dans le monde, qu’ils étaient tout simplement impossibles aux entreprises mauritaniennes de remplir.

A partir de là, explique un responsable de la fédération nationale de BTP, on a commencé à tuer l’entreprise mauritanienne au profit du courtier. Pire que cela, les sociétés qui, vaille que vaille, avaient décidé de mener le combat sont obligées de jouer le rôle incongru de troisième ou quatrième traitant.

Le dit responsable cite, dans ce cadre le cas d’Aftout Essahli où les travaux de terrassement et d’enfouissement de la tuyauterie étaient réalisés par des entreprises mauritaniennes dont certaines ont traitées ces travaux en troisième position. Il s’agit de la SAD qui a sous traité à Razel qui avait confié le boulot à EBTR. Par rapport à ce projet de plus de 500 millions de dollars, moins de 7% de l’enveloppe financière a été injecté dans l’économie nationale.

Presque tous les projets de routes, de bâtiments ou d’ouvrages importants passent par le même chemin. C’est exactement ce que redoutent les professionnels du BTP par rapport à la route Atar -Tijikja. Il semble que tout est fait, de manière volontaire ou par incurie ou incompétence de l’administration, pour exclure les entreprises nationales en cette période vache maigre caractérisée par un taux élevé de chômage dans le pays et de chute drastique du pouvoir d’achat.

Dans l’appel d’offres dont le délai doit expirer le 10 mars prochain, le seuil de qualification technique est à lui seul suffisant pour exclure les entreprises nationales. Elles doivent pouvoir justifier, par exemple, qu’ils aient réalisé le même travail au moins dans deux pays étrangers. On sait bien qu’aucune entreprise nationale, à part peut être ATTM, n’avait entrepris des travaux à l’étranger. Exit les autres. Par rapport au chiffre d’affaire, là aussi c’est ahurissant: un minimum de dix millions de dollars durant les quelques dernières années.

Il est clair, le cas échéant, que la clause de préférence nationale, adoptée dans tous les pays du monde, parait une imposture. Dans le marché de la route Atar- Tidjikja, elle est fixée à 2,5% en fonction du décret 93011 qui a été abrogé en 2002 et qui fixe le taux entre 5 à 10%. S’agit-il d’une erreur ou d’un geste délibéré de l’administration qui a, elle, sa propre préférence qui correspond rarement à l’intérêt national ?

Face à tous ses éléments qui entachent la procédure poursuivie dans le lancement de l’appel d’offres relatif à la réalisation de cette route, beaucoup de voix s’élèvent pour réclamer une intervention salvatrice du président de la République. Ce dernier est déjà très attentif à la règle de préférence nationale en la matière.

Selon certaines sources, il aurait même déjà failli rejeter un marché gagné par une entreprise nationale avec un partenaire étranger. Il voulait le céder exclusivement pour la société nationale. Dans le cas contraire, ce sera un véritable gâchis et une occasion perdue de plus pour la nation de créer des occasions d’emploi, faire gagner un savoir faire à nos entreprises quoi qu’encore balbutiantes et élargir la richesse nationale.

Ould Bladi



www.cridem.org


Info source :
Biladi (Mauritanie)