vendredi 13 juillet 2012

Brakna : L’affaire 'Emel 2012' se corse.

C’est le scandale de cette fin d’été et il a lieu non pas à Nouakchott, ville où toutes les affaires bonnes ou mauvaises se tissent, mais à Aleg, capitale du Brakna. Il s’agit d’une affaire portant sur le détournement de produits " Emel 2012 ". L’affaire en question sort subitement de son cadre strict de combine entre des responsables locaux du Commissariat à la sécurité alimentaire (CSA) et des grands commerçants de la ville, pour impliquer, à certains niveaux, des membres de l’administration et des éléments des forces de sécurité. L’enquête menée tambour battant par le juge d’instruction, qui a décidé de requalifier le dossier qui passe ainsi d’accusation de " détournement et vente d’un chargement d’aliments de bétail ", dans le cadre du plan d’urgence " Emel 2012 ", à celle d’escroquerie et de " détournement de deniers publics ". Le juge a justifié sa demande par le fait que la plupart des prévenus sont des fonctionnaires de l’Etat. Mais ce qui est à l’origine de la stupeur des habitants de cette ville, c’est l’ampleur du scandale, qui ne concerne plus la vente du chargement d’un camion 30 tonnes mais concernerait un vaste réseau dans lequel des hauts responsables de la wilaya et des éléments de la garde nationale seraient impliqués. L’opération de détournement qui aurait commencé avec la mise en œuvre du plan d’urgence " Emel 2012 " financé à hauteur de 45 milliards d’ouguiyas par le Gouvernement, porterait, en réalité, sur le détournement et la vente à des particuliers de centaines de tonnes de produits. Les échos de cette affaire qui arrive jusqu’à Nouakchott, avec l’interrogatoire de maires de la moughataa, la convocation du hakem d’Aleg par les autorités judiciaires et même, dit-on, celle du wali considéré comme le premier responsable de toute la région, la font sortir du cadre restreint d’un scandale circonscrit dans le temps et dans l’espace pour pousser, peut-être, à auditer l’ensemble du plan d’urgence. Surtout que la Coordination de l’opposition démocratique (COD), à travers les interventions de ses députés à l’Assemblée, n’a cessé de dénoncer ce qu’elle a qualifié de vaste opération de gabegie profitant à des milieux très proches du pouvoir. Selon des sources locales, chaque partie impliquée, à tort ou à raison dans ce vaste scandale a voulu rejeter la responsabilité sur l’autre. Etant le premier à avoir révélé les dessous de cette affaire, et suscité l’enquête diligentée depuis Nouakchott, le hakem d’Aleg aurait été indexé, à son tour, par certains maires qui se refuseraient à être les seules victimes expiatoires d’une opération aux contours encore flous. Ce qui est donné pour presque sûr, c’est la volonté des plus hautes autorités du pays à aller jusqu’au bout de la procédure d’enquête. Surtout que l’ensemble du plan d’urgence a été entaché, dès sa mise en œuvre, par des soupçons de détournements venant pratiquement de toutes les wilayas du pays. Ne pas agir dans le sens d’une recherche de la vérité, sur l’ensemble des " affaires " qu’une certaine presse a rapporté du Hodh Chargui au Trarza, en passant par le Guidimagha, l’Assaba et le Brakna, c’est tout simplement discréditer une opération qui aura coûté au Trésor public la bagatelle de 45 milliards d’ouguiyas ! Ce qui signifié que tout ce qui aura été dit, non seulement sur l’efficacité et la transparence d’Emel 2012 pourrait être mis en doute, mais aussi que la lutte contre la gabegie, enfourchée par le président Aziz et le gouvernement du Premier ministre Moulay Ould Mohamed Laghdaf, n’est que simple prétention. Ne pas traiter avec la fermeté requise cette affaire donnera du blé à moudre à la machine de propagande de la COD et du crédit à toutes les protestations venant d’éleveurs en détresse, au moment où l’on s’apprête à entrer dans une période d’hivernage susceptible de mettre un terme à la vente des aliments de bétail et de permettre, avec un certain recul, d’évaluer l’impact d’un plan d’urgence dont le principal handicap aura été le manque de visibilité (par défaut de communication) à tous les niveaux. Il faut maintenant agir dans le sens d’une " correction " pour que les rumeurs - ou vérités tues - sur ces opérations de détournement ne relèvent pas seulement de l’anecdotique. Comme, par exemple, l’évocation de listes d’éleveurs faites sur des bases malsaines, avec l’utilisation de faux numéros de cartes d’identité ; ce qui ne peut être que le fait d’une complicité entre le triptyque " responsables du CSA - Administration locale - Commerçants ". Le CSSA condamne "l’accaparement" des terres de la Vallée Les organisations membres du Comite de suivi de la sécurité alimentaire (CSSA) estiment que les administrateurs mauritaniens peu scrupuleux ont procédé à des distributions anarchiques des terres ancestrales des paysans sans défense, à des spéculateurs, qui ne les mettent même pas en valeur, de surcroit. L’attention du CSSA a été attirée, ces jours-ci, par les collectivités villageoises de deux Dioudé et de Dounguel, qui l’ont informé de l’aménagement en cours d’exécution au niveau de leur zone de culture, selon une déclaration reçue à Alakhbar. La déclaration souligne que les représentants des communautés concernées ont saisi toutes les autorités locales concernées, afin d’obtenir des informations précises par rapport à ce projet réalisé sur leurs terres. Malheureusement, force est de constater que, ni les autorités communales, ni les populations des communes concernées, ni les populations dépendantes de ces terres ne disposent d’aucune information sur les tenants et les aboutissants de ce projet.. Par conséquent, le CSSA, qui condamne tout accaparement des terres de la vallée, met en garde les autorités contre tout développement d’une situation qui pourrait menacer la paix et la sécurité dans la zone. Il lance un appel solennel au gouvernement mauritanien pour trouver une solution juste et durable aux interrogations des communautés concernées par l’aménagement, demandent aux autorités en charge de ce dossier, d’associer et d’impliquer les populations concernées au processus dans le cadre d’une large concertation. Bilan mitigé A son lancement par le Premier ministre Moulay Ould Mohamed Laghdaf, en février dernier, bon nombre d’observateur doutaient déjà de l’efficacité d’un tel plan d’urgence. Côté pouvoir, la tendance était, visiblement, à ne pas trop attiré l’attention sur un programme parti pour être un vrai fiasco politico-social. Questions de moyens, bien sûr, mais aussi de mauvaises prévisions. " Emel 2012 " doté théoriquement d’une enveloppe financière de près de 45 milliards d’ouguiyas n’avait réellement commencé que dans ses deux composantes " ventes des produits de première nécessité " et " secours aux éleveurs " meurtris par une implacable sécheresse. Tout le reste n’était qu’accommodements à des programmes déjà existants au niveau du Commissariat à la sécurité alimentaire et du ministère du Développement rural. Tout le monde avait aussi remarqué que, à moins de 5 mois de la période d’hivernage, les autorités faisaient preuve de fainéantise pour épargner des ressources qui s’élevaient, théoriquement, à 45 milliards d’ouguiyas mais qui, dans la réalité, devaient être bien en-deçà. Question de valorisation d’une action qui s’inscrivait, comme le veut la logique du pouvoir, dans l’optique des " réalisations grandioses " du " président des pauvres ". Et l’on s’était demandé, à l’époque, si l’Etat avait vraiment les moyens de sa politique dont l’objectif, non avoué, est de parvenir à gagner le cœur de citoyens qui commencent à désespérer de voir que le grand changement promis par Ould Abdel Aziz n’était, en fait, qu’un leurre. Nonobstant le retour en force des hommes et femmes de " l’Ancien Régime " (le système Taya), il faut reconnaître, aussi, que sur le plan économique et social, les déceptions sont légion. Et pour bon nombre de citoyens, " Emel " n’était que la suite-catastrophe de " Solidarité ". Le scandale d’Aleg en sera-t-il la preuve ? Sneiba Mohamed www.cridem.org Source : L'Authentique (Mauritanie