mardi 8 juillet 2014

Fin de la défécation à l’air libre au Tagant

Fin de la défécation à l’air libre au Tagant - [PhotoReportage] ! Il y a trois ans (en 2011) le Tagant expérimentait l’approche dite Assainissement Total Piloté par la Communauté (ATPC) pour faire face au phénomène de la défécation à l’air libre et ses conséquences néfastes sur l’environnement et la santé des populations locales.

Au terme d’une vaste campagne de sensibilisation qui a touché deux des plus importantes Moughataa du Tagant (Moudjeria et Tidjikja), des résultats satisfaisants ont été réalisés, notamment : le déclenchement de 161 localités, la certification FDAL pour 116 localités des communes de Tidjikja, Moudjeria, Tamourt Enaj, Soudoud, Tensiqh, Lahsera, El Wahat et Boubacar Ben Amer et la construction de 4235 latrine.

Grâce au précieux soutien de l’Unicef et l’adhésion des populations au programme, l’’usage des latrines est devenu une pratique courante au niveau de ces localités et les populations n’ont pas tardé à en découvrir les bienfaits tant sur le plan de leur santé que celui de leur confort et leur commodité.

Ce changement qualitatif a suscité une large adhésion, mieux certaines localités à limage de Achwalil (18 Km au Sud-Est de Tidjikja) convaincues des avantages du FDAL ont procédé à leur « autodéclenchement ».

Le cas typique de Nimlane

Bourgade située à 35 km au sud de Tidjikja, Nimlane, chef-lieu de la commune rurale de Tensiqh, est bâtie sur les hauteurs d’une falaise traversée par un cours d’eau saisonnier (Batha) prenant sa source d'une célèbre Oued nommée Braida. Cette localité, qui date d’un peu moins d’un siècle est habitée par des paysans pratiquant la phoeniciculture (culture du palmier dattier) comme activité principale à côté d'activités agropastorales, plus ou moins, rudimentaires.

Semi-sédentaires ils continuent à perpétuer certaines habitudes nomades héritées de leur passé d’éleveurs transhumants n’accordant que peu d’importance à un cadre de vie, le plus souvent, temporaire.

Aujourd’hui encore, les résidus de cette mentalité se font remarquer à travers certains comportements anachroniques qui tendent, heureusement, à disparaître progressivement.

En effet, un début de solution durable a été trouvé à la question de l’insalubrité ambiante et celle en particulier de la défection à l’air libre, à travers l’intervention du programme ATPC (Assainissement Total piloté par la Communauté).

Certifiée Fdal (fin de la défécation à l’air libre) depuis 2011,  les habitants de Nimlane n'ont pas tardé à adopter de nouveaux comportements sur le plan hygiénique.

Etat des lieux

Le découpage de Nimlane en quatre zones : Leareyguib (31 ménages, 300 habitants, 22 latrines), Argoub (46 ménages, 230 habitants, 36 latrines), Zire (14 ménages, 75 habitants, 7 latrines) et Savia (40 ménages, 200 habitants, 12 latrines), donne une idée de la répartition des latrines dans cette localité et le nombre de personnes qui en font usage.

C’est ainsi que sur une population estimée à 1500 personnes, huit cent cinq (805) personnes possèdent désormais des latrines et sont sensées en faire usage. L’impact positif de ces latrines ne s’est pas fait attendre.

Selon le chef de poste de santé de Nimlane Mr Mokhtar Ould Mohamed Abdallahi, les maladies diarrhéiques ont connu un recul considérable. « Je suis chef de poste de santé de Nimlane depuis novembre dernier et je puis certifier que depuis lors je n’ai enregistré que deux cas de diarrhée simple.

J’ai appris de sources proches des populations locales que les années passées il y avait une recrudescence des maladies de ce genre et des cas fréquents de malnutrition aiguë, je ne puis confirmer ni infirmer ces témoignages pour la simple raison que le registre des consultations est mal tenu. Seul le chef de service Information Sanitaire et Surveillance Epidémiologique à la Dras du Tagant peut vous édifier sur ce sujet »
indique t-il.

En effet, l’Isse Mr Cheikh Ahmed Ould Sidina que nous avons rencontré, le lendemain, à Tidjikja , a mis à notre disposition les relevés faisant ressortir les motifs de consultation de 2008 à 2014 au niveau du poste de santé de Nimalne. 89 cas de diarrhée simple et 7 cas de diarrhée sanglante ont été enregistrés en 2008 contre 79 cas de diarrhée simple et 4 cas de diarrhée sanglante en 2009, 56 cas de diarrhée simple et 4 cas de diarrhée sanglante en 2010, 12 cas de diarrhée simple en 2011 et 2 cas de diarrhée simple en 2012 et 2013.

Ces cas de diarrhée concernent, essentiellement, des enfants de tranche d’âge de 0 à 5ans et des femmes enceintes ou allaitantes.

Entretien avec les populations

Au poste de santé de Nimlane où nous avons rencontré Mokhtar Ould Mohamed Abdallahi responsable de la structure, Mohamed Mahmoud Ould Bah coordinateur régional de l’ATPC, Mohamed Ould Vall Imam de la mosquée, Mokhtar Ould Bouna, chef coutumier, Saada Ould Mokhtar , président de l’Association des parents d’élève, Toutou Mint Ahmed Ould Abdy, accoucheuse, Hamoud Ould Saleck, professeur au lycée de Nimlane, Ahmed Ould Hadramy et Mohamed Ould Souweilim, leaders naturels, l’ambiance était bon enfant.

« J’espère que vous n’êtes pas venus les mains vides, nous n’avons que faire des beaux discours, nous voulons des actes concrets » lança l’Imam de la Mosquée avec une pointe d’ironie. « Nous sommes venus parler du Fdal et son impact pour les populations locales » lui répondit le coordinateur régional de l’ATPC.

« Ce programme est fort utile et il gagnerait à être vulgarisé davantage et des mesure d’accompagnement doivent être prises pour appuyer les plus pauvres » indique l’Imam avant de préciser : « De nombreuses familles trainent encore le pas, certaines parce qu’elles n’ont pas été sensibilisées, d’autres parce qu’elles sont faibles économiquement. Personnellement je mettrai à profit mes rencontres avec les fidèles pour leur expliquer le bien fondé de ce programme » conclut l’Imam.

Cet avis est largement partagé par l’assistance, mieux, Hamoud Ould Saleck, professeur au lycée de Nimlane et Mokhtar Ould Bouna, chef coutumier souhaitent que la sensibilisation soit étendue également à ceux qui possèdent des latrines mais n’en font pas usage.

Pour Ould Saleck de nombreuses concessions des quartiers de périphérie (Argoub, Leareyguib) ne sont pas raccordés au réseau d’adduction d’eau. Cette situation est, selon lui, à l’origine d’un problème d’entretien des latrines qui deviennent impraticables au fil du temps. Aussi niveau de la zone de Savia (construite sur un terrain rocailleux), il est pratiquement impossible d’y creuser des fosses septiques. Selon lui les rares ménages qui y ont érigé des latrines l’ont fait au prix d’efforts considérables.

Témoignages

Mr Meymoune Ould Soumbare maire de la commune de Tensiqh « Il faut reconnaitre que la défection à l’air libre est une pratique qui a des conséquences néfastes sur la santé de nos populations et sur leur environnement. Mais autant, il faut des structures adaptées (latrines) pour lutter contre ce phénomène autant il faut mener une vaste campagne de sensibilisation pour amener les populations locales à souscrire et adhérer et partant contribuer à lutter efficacement contre cette pratique rétrograde.

Personnellement j’ai constaté que la défection a l’air libre est à l’origine de plusieurs maladies diarrhéiques dont sont victimes les enfants de bas âge et les femmes enceintes ou allaitantes. Ce phénomène est également la cause principale des maladies oculaires et d’autres respiratoires provoquées par des vents de sable chargés de germes.

Le programme exécuté par l’ATPC est fort utile en ce sens qu’il permet de juguler une dangereuse pratique qui n’a que trop duré ».
Cheikh Ahmed Ould Sidina chef de service information sanitaire et surveillance épidémiologique

« Construire des latrines c’est important mais faut –il les faire accompagner par d’autres mesures d’hygiène dont notamment : veiller au lavage des mains avant les repas et après les selles, consommer de l’eau propre et des aliments propres et bien cuits. Ce sont toutes ces conditions réunies qui permettent de lutter efficacement contre les maladies diarrhéiques »

Hamoud Ould Saleck, professeur au lycée de Nimlane

« Je suis professeur au Lycée de Nimlane et j’ai remarqué que depuis l’obtention du statut Fdal, les populations locales se préoccupent, de plus en plus, de leur hygiène. Et les conséquences n’ont pas tardé : En plus d’un recul sensible des maladies liées à l’insalubrité et au manque d’hygiène, l’intimité des grandes personnes, des femmes et des visiteurs est assurée. Toutefois j’attire votre attention sur le fait que ce ne sont pas toutes les familles de Nimlane qui peuvent avoir des latrines à la maison. Pour les familles plus défavorisées c’est moins la volonté qui fait défaut que les moyens»

Conclusion

Une dynamique irréversible de changement des mentalités et comportements s’est enclenchée au Tagant en général et à Nimlane en particulier suite à l’adoption de l’approche Assainissement Total Piloté par la Communauté (ATPC).

Cette dynamique a permis, selon le Directeur régional de l’Hydraulique et de l’Assainissement Mr Mohamed Ould Kory redorer l’image de la DRHA (Direction Régionale de l’Hydraulique et de l’Assainissement). « Les populations locales ont commencé à accorder plus d’importance au volet Assainissement longtemps négligé et méconnu. Elles ont compris que l’Eau est indispensable pour la vie mais que sans assainissement point d’épanouissement et point de qualité de vie » devait-il dire.

Le DRHA a laissé savoir ensuite que le taux de prévalence de beaucoup de maladie diarrhéiques liées à la prolifération des matières focales a diminué considérablement indiquant à ce sujet les rapports positifs du Wali, des Hakems et des chefs d’arrondissement soulignant la réussite de l’Approche.

Ould Kory a également mis l’accent sur les rapports trimestriels de la DRHA faisant état de l’acceptation, l’appropriation et l’adhésion des populations locales à l’Approche. Il a indiqué que la coordination de l’ATPC représente désormais un service régional d’Assainissement dont les services sont hautement appréciés par les autorités régionales avec lesquelles elle travaille en étroite collaboration.

C’est dire qu’avec la généralisation de l’utilisation systématique des latrines l’on constate une nette diminution de certaines maladies, l’élimination progressive du phénomène de défection à l’aire libre, une disparition des matières fécales qui souillaient l’environnement immédiat des populations riveraines et l’apparition de nouvelles pratiques d’hygiène avec l’organisation périodique de campagne de nettoyage et la généralisation de la pratique du lavage des mains avec le savon.

Khalil Sow –Tagant



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Khalil Sow