vendredi 11 décembre 2009

Nouadhibou Les prisonniers respirent les ordures

C'est la décharge d'ordures qui fait le plus laid à voir sans doute à Nouadhibou.
Pas un passant qui ne s'indigne en voyant ce spectacle.
La décharge en question est située derrière la prison civile de Nouadhibou ; juste à la hauteur des petits trous qui tiennent lieu de fenêtre d'aération pour les détenus de la prison civile de la ville. Tous les objets dangereux sont à porté e des poumons de ces pauvres bagnards: Seringues, gants chirurgicaux, préservatifs usagés, cadavres d'animaux et autres. La zone constitue pourtant le quartier administratif ; c’est dans ce quartier que se trouvent le commissariat central, la direction de la sureté, la wilaya de Dakhlet Nouadhibou.Un simple coup de fil au maire peut délocaliser cette « décharge de la honte ». C’est ainsi que qualifie les citadins ces tas de déchets entassés dans leur cité.
Les habitants de la zone avaient entamé une lutte contre ces ordures, qui font jusqu'à des dizaines de mètres de diamètres les temps de l’opulence, hélas ! rares (débuts de mois, fêtes…), en dressant des grillages pour en freiner l'expansion. De guerre lasse , ils ont baissé les bras.
Athié Youssouf
Source : La Tribune n°478

Entretien express avec Bâ Adama Moussa, maire de Boghé





‘’C’est grâce à la cohésion au sein du conseil municipal que nous arrivons à réaliser quelque chose’’

Il est l’un des rares maires, sinon le seul, qui fait des bonnes choses pour ses concitoyens. Au lieu d’aller se pavaner et squatter les bureaux à Nouakchott, le maire de Boghé a choisi de vivre le quotidien des populations qui l’ont élu, pour la 3ème fois, à la tête de la commune. Il côtoie tout le monde, dans la rue, dans la mosquée, au marché, et, aussi, dans les périmètres rizicoles, les jardins maraîchers.
Il suit, au quotidien, la situation des postes de santé et les écoles, afin de répondre, avec promptitude, aux besoins de ses concitoyens. Pour les Boghénabé, Adama Moussa est maire de tout le monde, sans distinction de couleur politique, de caste, etc. L’administration locale le respecte et le sollicite pour aider à résoudre les problèmes. Une chance, pour cette capitale des Halaybés, qui, malheureusement, fait trop peu d’émules, parmi nos maires et autres élus !

Le Calame :
Vous êtes à quelques deux ans de la fin de votre mandat à la tête de la commune de Boghé. Vous êtes apprécié de vos concitoyens, admiré des autres communes, pour le travail colossal que vous abattez. Pouvez-vous nous dresser un bilan succinct de ce mandant bientôt finissant?
Bâ Adama Moussa : Notre souci est, toujours, de réaliser des infrastructures socio-économiques, surtout dans les domaines de base, comme l’éducation, la santé, etc., et, à l’heure actuelle, nous avons beaucoup avancé dans le domaine de l’hydraulique. 90% de nos villages sont équipés en adductions d’eau potable. Nous sommes en phase de réception des derniers ouvrages.
Sur le plan de la santé, des postes existent mais le personnel fait défaut. Le cas du poste de Boghé-ville en est une parfaite illustration. Cela fait six ans que nous demandons, en vain, un technicien pour la tenue de sa radio ultramoderne. Dans certains centres du pays, il y a deux techniciens mais, à Boghé, aucun. Résultat, nous passons le temps à évacuer les patients, quelquefois même pour un simple problème d’entorse, vers Kaédi, Bababé, Aleg, Boutilimit ou Nouakchott. C’est un problème qui relève de la tutelle et je vais profiter, aujourd’hui, de la présence du ministre à Boghé, pour lui exposer ce cas qui nous préoccupe tant.
Sur le plan de l’éducation, même s’il y a eu pléthore de réalisations, aussi bien de l’Etat, de la commune que d’autres partenaires, il est regrettable de constater que nombre de salles de classes manquent, encore cruellement, de tables-bancs. Les élèves sont assis à même le sol, dans certaines écoles. Comme vous le savez, les recettes de la commune ne peuvent pas résoudre ce manque, parce que la demande est très forte, elle vient même des établissements secondaires qui ne relèvent pas de notre domaine de compétences, mais nous ne pouvons rester insensibles à ces requêtes, alors que les taxes communales ne couvrent pas, toujours, le fonctionnement même de la mairie. Nous recevons, certes, des subventions de l’Etat, destinées, essentiellement, à l’équipement, nous sommes en fin d’année, il nous reste quelques réserves, mais, comme je l’ai dit, la demande est très forte.
Il nous reste deux ans à accomplir et toujours à faire, parce que nous sommes une commune de 45.000 habitants, avec d’autant plus de besoins que nous sommes dans une zone agricole et que nous voulons mettre un accent, particulier, dans ce domaine, en termes d’aménagement/réhabilitation des grands, petits et moyens périmètres. Comme vous le savez, cela demande de gros investissements. Nous discutons avec les partenaires en place. Je citerais World Vision, très présente à Boghé, et l’UNICEF qui fait beaucoup de choses, pour la petite enfance, la jeunesse, en particulier, l’éducation et la santé, en général. Il y a, aussi, d’autres partenaires, comme APM et Banlieues du Monde qui s’investissent beaucoup, pour la commune. Mais on ne peut pas dire qu’on se suffit de cela, il faut continuer, il faut persévérer.

Nous sommes en pleine campagne agricole. L’irrigué est, semble-t-il, en crise. Quelles sont les préoccupations de vos paysans?
-Vous savez, cette année, il n’y a pas eu de riziculture, le périmètre de Boghé, d’une superficie de 540 ha, n’est pas emblavé. Les paysans sont donc au chômage. Cette situation résulte d’une ardoise qui n’a pas été épongée par le Crédit Agricole. Ceci affecte aussi bien les petits paysans que les grands. Pour combler le déficit, nous avons monté un projet avec la Croix Rouge Française (CRF), sur appel à propositions de l’Union Européenne. Le financement sera bientôt acquis, il nous permettra d’emblaver les 540 hectares en haricots, avec une partie en semences améliorées et une partie réservée à l’aliment de bétail (cultures fourragères). Le maïs sera aussi cultivé. Une unité de décorticage de cette céréale sera montée à Boghé, une seconde, à Kaédi et une autre, encore, à M’Bout. C’est un financement d’un million et demi d’euros. Ce projet va permettre aux populations de travailler douze mois. A défaut du riz, denrée principale des populations, les paysans vont se consacrer à une autre culture. Dans ce projet, il est aussi prévu d’aider les coopératives féminines, 3 à 4, qui seront dotées en motopompes, plants et traitements du sol. Pour cela, il suffit de disposer d’un dossier foncier fiable, avec une clôture de 5 ha. Ça, c’est grâce à la CRF. Nous saluons le geste de cet organisme et la participation des paysans qui mettront la terre à la disposition du projet.

Vous êtes maire sous étiquette d’un parti d’opposition. L’administration ne vous met-elle pas, parfois, des bâtons dans les roues?

En toute sincérité, je ne peux pas dire que j’ai eu, une seule fois, des problèmes avec l’autorité administrative, parce que la mission est bien connue. Quand on est maire, on est maire des populations dont on doit se préoccuper. D’accord, je suis issu d’un parti très respectueux de ses principes, l’UFP, mais là, je suis agent de l’Etat et, en même temps, représentant de toutes les populations dont je gère l’ensemble des problèmes. Au niveau de la commune, je le dis en toute sincérité et pas pour me flatter, il suffit d’interroger les conseillers municipaux ou, directement, les populations. Ici, dans le conseil, il est difficile de distinguer qui est de l’UFP de qui ne l’est pas, parce que notre mission est bien connue et, si jamais on restait dans les clivages, nous dévierions de notre mission. C’est d’ailleurs grâce à cette cohésion, au sein du conseil, que nous arrivons à réaliser quelque chose. Et puis, j’ai connu plusieurs hakems qui sont passés ici, nos rapports ont toujours été bons. Je suis, certes, catalogué UFP mais, sur le terrain, je suis et je reste maire de tout le monde.

Propos recueillis à Boghé par Dalay Lam