
Dans les heures qui avaient suivi la diffusion de l’actuel
gouvernement, qui d’entre nous n’a pas pris part à des discussions où on
a commenté la composition rendue publique après plusieurs jours
d’attente et d’impatience même.
Ces discussions abordaient la nouvelle équipe par rapport aux critères
‘’compétence’’ et
‘’représentativité’’
déclarés par le Premier Ministre lors de sa première sortie médiatique
après sa reconduction à son poste.
Qui aussi d’entre nous n’avait pas remarqué que les discussions
débordaient souvent sur les questions de région et de localité des
anciens et nouveaux ministres, de leur race, ethnie, tribu et autres
subdivisions de la société.
Parmi tous les commentaires que j’ai dus entendre et celui qui a le plus retenu mon attention, était
« le départ du Président de l’Autorité de la Zone Franche de Nouadhibou sera
catastrophique pour ce projet déjà trop ambitieux et mal compris tant
par la population que par certains promoteurs économiques nationaux ».
Pour l’auteur dudit commentaire, le Président sortant a accompagné le
processus de genèse du projet jusqu’à sa concrétisation à travers un
siège, un personnel et un Plan Directeur que les spécialistes du projet
étaient entrain de décliner en feuilles de routes pour le court et le
moyen terme.
La valeur intrinsèque de l’homme, son expérience à
l’aménagement du territoire et à l’urbanisme et sa parfaite
connaissance de la philosophe derrière la création de ce rêve
économique, l’avaient aidé dans l’élaboration rapide des textes
juridiques relatifs à la définition des missions, à la délimitation
géographique du champ de compétences, à l’ancrage administratif, aux
avantages des personnels, etc.
Cet ancien Président était,
poursuit le commentateur, le seul en mesure réellement de distinguer le
côté ambition et rêve de la nouvelle création par rapport à ce qui est
raisonnable et réalisable dans le contexte particulier de notre pays et
de notre continent où environ 30 zones franches ont vu le jour à partir
de 19962 (plus de 50 ans).
L’incertitude qui plane sur ce projet de
Zone Franche de Nouadhibou,
semble le mettre de nouveau en ligne de mire et non dans le
collimateur, nuance facilement saisissable par nos classes guerrières,
sinon par les spécialistes linguistiques.
Cette question
revient en effet aujourd’hui dans les discussions, mais sous un autre
angle et les préoccupations à son sujet seraient aussi d’un ordre tout à
fait différent de celui des discussions précédentes (pour avoir une
idée des enjeux, lire l’article intitulé
« La Zone Franche de Nouadhibou: une ambition à inscrire nécessairement dans une vision prospective », publié sur
Cridem du 23 Juin 2013).
Concernant son nouveau Président, rien à dire. C’est un jeune dévoué et
grand connaisseur d’un terrain que ces ancêtres fréquentaient depuis des
temps lointains et a donc toutes les chances d’être accepté par les
populations locales.
L’autre atout est qu’il ait dirigé l’une des plus importantes institutions de l’Autorité (
Port Autonome de Nouadhibou)
et ait participé à l’élaboration du Plan Directeur sur lequel repose
les grandes orientations de la politique de l’institution ainsi que le
travail à réaliser dans le but de relever le défi consistant à
transformer le rêve en une réalité vécue.
En conséquence, l’inquiétude au sujet de la
ZFN vient,
en partie, du risque de voir les Ministères ayant cédé une part
importante de leurs attributions et missions revenir réclamer la
révision des protocoles signés alors à la hâte et avant de bien saisir
ce que sont les missions d’une zone franche en général et ce que
devraient être celles de la nôtre.
Le reflux d’enthousiasme
constaté face au projet de façon générale, peut en effet pousser
certains à demander l’organisation d’une rencontre entre les principaux
départements concernés et un nouvel arbitrage sur les concessions à
faire.
Les départements ministériels qui oseraient organiser
des Etats Généraux pour redéfinir les attributions tronchées de leurs
Ministres respectifs (et stratégies sectorielles), découvriront, sans
peine, cette nécessité de repenser les domaines de compétences de ce
pôle de développement du nord du pays (ou pour le nord du pays).
Il n’échappe à personne que des voies s’élèvent pour dire que l’
Autorité de la ZFN
doit surtout se concentrer sur les voies et moyens de rendre l’espace
où elle exerce son autorité une zone suffisamment attractive pour les
investisseurs étrangers, c'est-à-dire les véritables clients en faveur
desquels ce projet devrait initialement être créé.
Ainsi, il
s’impose de bien distinguer les activités que les investisseurs
mauritaniens peuvent faire pour valoriser nos ressources naturelles afin
d’éviter qu’ils soient déloyalement concurrencés par des étrangers et
de savoir enfin qu’il n’est guère suffisant d’élire domicile dans le
territoire de la
ZF pour bénéficier de ses multiples avantages, notamment fiscaux.
En dehors des privilèges en matière de réglementation, de fiscalité et
de la simplification des procédures administratives (guichet unique), le
travail prioritaire de notre fameux projet devrait donc cibler toute
autre action destinée à encourager l’accueil d’entreprises étrangères et
leur délocalisation chez nous. Il s’agit d’assainir davantage la
justice et de développer, sur ses propres comptes, les infrastructures
de transport (routes et aéroports), de télécommunication, de santé et
d’éducation, les hôtels, l’eau et l’électricité, etc.
Un autre axe en constitue la disponibilisation d’une main d’œuvre
suffisante et hautement qualifiée, à commencer par les domaines
prioritaires selon la vocation de la zone (pêche tourisme par exemple)
et la nature des entreprises visées ou souvent délocalisables par
ailleurs ; l’installation de ce genre d’entreprises exportatrices, est
généralement le plus recherché pour ses impacts sur l’emploi, la
consommation et le développement, localement, d’activités connexes.
Par ailleurs, tout adepte de la vision prospective disposerait d’une
évaluation actualisée de l’expérience des zones franches créées dans des
pays dont la situation serait comparable à la nôtre ; l’Assemblée
Nationale pouvant se réveiller un jour et soumettre l’octroi des
financements nécessaires à la promotion du caractère attractif de la
ZF à la viabilité et à la rentabilité de ce projet économique par excellence.
Dans le monde des affaires, les prévisions pessimistes font partie du
jeu et peuvent parfois constituer une source d’inspiration pour de
bonnes initiatives comme l’évaluation à mi-parcours pour une éventuelle
rectification des tirs ou le courage de renoncer tout simplement à
poursuivre un chemin conduisant à un échec fatal.
Dr
Sidi El Moctar Ahmed Taleb