mardi 6 juillet 2010
Boghé : Campagne de contre saison de Niébbé : succès ou échec ?
Dans le cadre du projet intitulé "Réduction de l’impact de la flambée des prix et de la vulnérabilité alimentaire des populations des Wilaya du Brakna et du Gorgol en République Islamique de Mauritanie" et qui a été conçu par la Croix Rouge Française (CRF) au profit des paysans du Casier Pilote de Boghé, les exploitants de ce périmètre rizicole se sont engagés dans une campagne de contre saison pour la culture de Niébbé en Avril dernier.
Ce projet de la CRF est soutenu par la commune de Boghé et appuyé par un financement de l’Union Européenne dans le cadre de sa composante dite "Facilité Alimentaire" et qui a pour objectif de lutter contre la hausse des prix céréaliers après les « émeutes de la faim » survenus fin 2008 dans le monde. Cette campagne a démarré avec beaucoup de retard. La mise en eau n’est intervenue que le 27 Mars et les premiers semis au début du mois d’Avril. Certains paysans n’ont semé qu’un mois après, en début Mai. La CRF et son Consultant ont eu beaucoup de difficultés à convaincre les paysans à s’engager dans cette campagne avec le Niébbé comme spéculation. Les paysans ont-ils eu finalement raison face au partenaire. En effet, la campagne a eu lieu malgré les difficultés énormes rencontrées sur le terrain. Mais, ils n’ont malheureusement pas récoltés les fameuses graines de Niébbé tant promises par leur partenaire. A la place, ils ont récolté du fourrage, des aliments de bétail en période de soudure. Une consolation heureusement pour bon nombre de paysans qui ont déployés d’intenses efforts physiques pour atteindre ce résultat. Certains ont mené une lutte sans merci, nuit et jour contre la divagation des animaux qui ont failli compromettre la campagne disait N’gaîdé Hamat Moussa ancien Inspecteur général au MDR et président de l’Union des Coopératives Agricoles du CPB. Pour Florian de JACQELOT, responsable du projet "Sécurité Alimentaire" de la CRF, ce retard dans la campagne est en grande partie imputable au le CNARADA, fournisseur des semences de Niébbé. Cette institution devait assurer la livraison d’une quantité de 6, 500 Tonnes de semences de Niébbé baptisés "Blanc de Kaédi" à la date limite du 15 Février 2010 afin de permettre un bon démarrage de la campagne. Malheureusement, le CNARAD a livré les semences avec 45 jours de retard. Une variété autour de laquelle, la CRF a fait beaucoup de tapage médiatique à travers des ateliers de formation coûteux et pour produire le résultat qu’on connaît. Selon le directeur du CPB, monsieur Lam Aliou, ce retard a été pourtant discuté en comité avec les partenaires qui ont hésité et douté avant de s’engager dans la campagne. Cette décision a faussé complètement les prévisions initiales, celle d’une campagne de contre saison froide. Ce qui fera dire au chef du projet que les conditions climatiques liées à l’effet de la chaleur n’ont pas permis de produire des graines. Lui emboîtant le pas, Aliou Lam rajoute, je cite : « les oiseaux granivores picoraient beaucoup les fleurs, l’effet des chenilles, des criquets, des insectes ont freiné le développement des plantes dès le début en plus de la divagation des animaux ». Le CNARAD selon une source digne de foi, devait produire 6,5 tonnes de semences de Niébbé. Une commande rare faite auprès de cette institution pour un temps record. Ce qui explique le retard accusé dans la livraison d’autant plus selon cette même source qu’il fallait produire 10 tonnes pour trouver la quantité de 6,5 tonnes. Il poursuit en affirmant que l’essentiel est que toutes ces semences ont germé . Pour la CRF et le directeur du CPB, cette campagne n’est pas un échec malgré tout. Elle a permis une revalorisation des sols grâce au travail qualitatif de réhabilitation effectué sur les parcelles par les engins agricoles de la société AAAID. Dans les zones A et B qui étaient en abandon ce travail a permis de récupérer beaucoup de parcelles, environ 35 hectares à en croire le directeur du CPB. « 60 familles ont retrouvé des moyens de production pour vivre grâce à ce travail de réhabilitation des parcelles» a affirmé M. JACQELOT. « Le travail des sols est l’un des grands acquis de ce projet et il ne faut pas se voiler la face » a analysé dans le même sens M. Lam. Selon toujours le témoignage de ce dernier, il a vu un paysan vendre le fourrage de sa parcelle à 60.000 UM à un commerçant venu d’Aleg, la capitale régionale. Et il jubile : « nous avons presque réussi l’impossible, l’innovation a un prix » et il continue : « nous ne pouvons pas maîtriser les conditions climatiques » avant de conclure : « la variété de Niébbé ne résiste pas à une température de 30° ». Il estime que le CPB est bien parti pour entamer l’une des meilleures campagnes rizicoles hivernales de son histoire. Quant au chef du projet du CRF et le directeur de la plaine, ils ont remercié le MDR qui disent-ils a contribué à hauteur de 2,5 Millions dans l’achat des produits phytosanitaires. La CRF a investi pas moins de 30 Millions dans cette campagne de contre saison et qui ont servi à l’achat des semences, des intrants, et à supporter la facture du travail des sols. Les paysans du CPB ont supporté seulement la facture énergétique à hauteur de 5.000.000 UM. En faisant les calculs, on se rend compte que la CRF a fortement subventionnée les paysans du CPB. Chacun des 1080 exploitants a bénéficié d’une subvention de 30.000 UM de la part du CRF. Alors que le paysan lui n’a dépensé que 5000 UM (soit 6 fois moins) pour bénéficier de l’eau. N’eut été malheureusement le faux bond des graines de Niébbé, les exploitants du CPB auraient palpé un rendement beaucoup plus intéressant.
Réaction des paysans
Diallo Alhousseînou Baba, directeur d’école et exploitant au CPB
Ma parcelle fait partie des champs qui n’ont pas bien donné. Mais moi j’ai pu recouvrir toutes les dépenses que j’ai investies dans cette campagne agricole. Il y’a des avantages cachés dans cette campagne : la réhabilitation des terres avec l’épandage d’engrais dans les sols. J’ai pu récolter beaucoup de fourrages.
Amadou Tidjane Bâ
Je trouve que cette campagne a été avantageuse. Nous avons récolté beaucoup de fourrages, des aliments de bétails même si elle n’a pas été fameuse. J’ai dépensé 9900UM dont 4800 UM pour l’eau, 800 UM pour les frais de gardiennage, et le reste dans la restauration de la main d’œuvre. J’ai dépensé peu et j’ai recouvré largement mes frais et en plus j’ai gagné beaucoup.
Alhousseînou Sy venu de Dar El Avia
Assis confortablement sur un tas de fourrage posé sur sa charrette, il nous dit que cette campagne a été bénéfique pour lui. J’ai enlevé 20 charges de fourrages que je stock pour la nourriture de mon bétail. J’en ai vendu une partie sur le marché local.
Brahim O M’Barek de la coopérative de Rahma (CPB)
Les animaux ont dévasté mon champ, mais les plantes ont régénéré et j’ai pu récolter sur une parcelle de 1 hectare 8 charges de charrette et ça reste encore. J’ai vendu 5 charges de fourrage à 25.000 UM et les trois autres à 12.000 UM. Mes frais s’élèvent à 20.000 UM. Je continue de profiter de cette parcelle.
Nous avons tenté en vain de joindre monsieur Baro Béchir, Consultant du CRF et qui a conçu pour elle le projet afin qu’il puisse nous donner quelques éclaircissements sur cette campagne. Par rapport aux objectifs initiaux de cette campagne : diversification et intensification culturales dans un grand périmètre, la réhabilitation générale par le laboure, la production de fourrage, de semences et de graines et l’amélioration de la fertilité des sols par la fixation de l’azote, nous pouvons affirmer que cette campagne a été une réussite. Il n y’a qu’un seul objectif qui n’a pas été atteint. La production des graines de Niébbé A l’heure qu’il est beaucoup de paysans ont récolté leurs champs à l’exception de quelques uns qui face à l’assaut des bêtes en quête de pâturages ont presque capitulé.
Thièrno Souleymane CP Brakna
lE Quotidien de Nouakchott
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