dimanche 20 décembre 2009

Sy Abdoulaye, nouveau maire de M’Bagne :


« Si nous tiraillons entre tendances ou partis, si nous nous tirons les uns sur les autres, la mairie va replonger dans la même léthargie qu’elle vient de vivre. »


Elu maire de la commune de M’Bagne, le 21 novembre dernier, Sy Abdoulaye, alias Sada Bamby, est originaire du village de Dawalel, à quelques quatre kilomètres de M’Bagne. Très actif sur la scène politique départementale et communale, ce jeune professeur d’histoire-géographie, au lycée de M’Bagne, coopté par l’UPR, a battu, de loin son adversaire et non moins cousin de l’UDP.
De passage à Nouakchott, celui qui porte, désormais, les espoirs de la commune explique, l’ambition qu’il a pour cette dernière, sa stratégie pour «mettre en place une véritable équipe de travail». Celui qui se veut «maire de tous» tend la main à toutes les bonnes volontés, afin d’«édifier une bâtisse commune.» Un sacré défi pour sortir, de sa torpeur, une mairie placée sous la tutelle administrative, depuis plus d’une année.
Le Calame : Vous venez d’être élu à tête de la commune de M’Bagne. C’est un honneur et un challenge, en même temps. Comment avez-vous réagi à cette espèce de consécration ?
Sy Abdoulaye : Ça a été une grosse émotion. Quand on est en compétition électorale, l’émotion vous envahit, une fois que votre nom est prononcé, vous contenez, difficilement, vos larmes. C’est ensuite que vous revenez à la réalité, pour réaliser ce qui vient de se passer, pour mesurer l’ampleur de la charge qui vient de vous être confiée, par vos collègues du conseil municipal. A travers leur choix, j’ai réalisé que je comptais, beaucoup, pour pas mal de gens. La charge que j’ai désormais le devoir de porter sur mes épaules est, certes, très lourde mais, ensemble, avec tout le conseil municipal, nous allons nous atteler au travail, pour nous acquitter de la tâche que les citoyens de la commune ont bien voulu nous confier. Pour ne pas les décevoir. Surtout. Ce n’est pas facile, je le reconnais.

Vous êtes élu pour terminer un mandat qui court depuis bientôt deux ans et demi. Avez-vous, déjà, une idée de la tâche qui vous attend? Comment se porte la mairie de M’Bagne?
Effectivement, nous ne disposons que de 24 mois de mandature. C’est très court et les défis sont immenses. J’en suis pleinement conscient. J’hérite, aussi, d’une situation très peu reluisante, pour ne pas dire d’un certain laxisme: les recettes ne rentraient pas, il n’y a pas, sur le territoire communal, d’activités économiques susceptibles de générer des recettes publiques. La commune comptait, essentiellement, sur la subvention de l’Etat, appelée « fonds régional». Cependant, en dépit de toutes ces contraintes, majeures, je reste optimiste. Avec un peu de bonne volonté, nous pourrons, à défaut de gagner le pari, remporter une bataille. Je pense pouvoir compter sur les citoyens, cadres et partenaires de la commune. Je leur lance un vibrant appel, une invite citoyenne, pour bâtir, ensemble, notre commune. Si chacun apporte sa pierre, une grande bâtisse s’élèvera, j’en suis sûr.

Vous aurez à gérer, tout de même, un conseil municipal complètement éclaté. Chacune des sept listes candidates a eu sa part de conseillers. Même si 14 conseillers, sur 15, ont voté pour le candidat de l’UPR, comment entendez-vous vous y prendre pour arriver à une cohésion, au sein du conseil municipal, gage de votre réussite?
Vous avez parfaitement raison. Le parti auquel j’appartiens, même s’il a gagné la mairie, ne dispose que de 4 conseillers élus au sein du conseil municipal, très éclaté, donc, comme vous avez eu à le relever. C’est la raison pour laquelle j’ai, aussitôt après mon élection, fait connaître mes intentions, mon ambition de former une équipe, dynamique, au service de tous les citoyens, sans exclusive. La campagne électorale étant derrière nous, j’ai invité tous les conseillers au travail. Je suis maire de tout le monde, c’est la mission que je m’assigne et je m’efforcerai à le demeurer, durant mon mandat. Aussi ai-je rendu visite à tous les conseillers, même ceux n’ayant pas voté pour moi, en vue de leur exprimer mon entière disposition à travailler avec tout le monde, j’ai besoin de l’apport de tous, pour développer notre commune. Il y va de notre intérêt car, si nous tiraillons entre tendances ou partis, si nous nous tirons les uns sur les autres, la mairie va replonger dans la même léthargie qu’elle vient de vivre.

Quelles sont, alors, les premières priorités de l’équipe municipale?
Nous sommes une commune essentiellement rurale où prédominent les activités agropastorales. Nous ne disposons pas de moyens colossaux, pour nous engager dans des projets agricoles, mais mon prédécesseur, Mamoudou Yéro, agronome de formation, avait ficelé un plan de développement local, très ambitieux, de 50 projets dont le coût me paraît, compte tenu de nos disponibilités, exorbitant: 3 milliards d’ouguiyas. Nous allons revisiter ce plan et sélectionner les projets à notre portée, afin de les mettre en œuvre. Pour le reste, nous allons faire appel à divers bailleurs de fonds, à la diaspora de la commune et à d’autres bonnes volontés. Comme je l’ai dit, nous sommes une commune rurale où les préoccupations majeures concernent l’agriculture, avec, notamment, la sécurisation des cultures, face aux animaux en divagation. D’ailleurs, à la veille de mon départ de M’Bagne, des agriculteurs sont venus chercher l’autorisation d’ouvrir une fourrière. Nous allons veiller, aussi, à l’approvisionnement du marché central en produits vitaux. Les papiers d’état-civil sont un véritable casse-tête pour les populations, aussi allons-nous sensibiliser les parents pour que les femmes en état de grossesse se fassent suivre par les services de santé, pour que les enfants, une fois nés, soient déclarés au service compétent. Nous allons, également, travailler avec les écoles primaires, le lycée et les parents d’élèves, pour endiguer la déperdition scolaire, surtout chez les filles.
Nous avons une pensée particulière pour les jeunes: notre ambition est d’en faire un véritable moteur de développement de la commune. Nous essayerons de fonder les meilleures conditions pour leur épanouissement. Nous envisageons de construire des aires de jeux, le dallage d’un terrain de basket, à M’Bagne, d’organiser une coupe du maire, pour rapprocher et favoriser la fraternité, entre les jeunes des différents villages. Ensuite, nous allons encourager et motiver les femmes regroupées dans des coopératives ou dans des groupements pré-coopératifs. Comme vous le savez, le facteur genre joue un rôle important, dans le processus de développement. Avec les maigres moyens que nous avons, nous allons les appuyer pour développer les activités génératrices de revenus (AGR). Il s’agira de leur octroyer des semences améliorées, du grillage, de petites subventions pour le gasoil, etc.

Votre prédécesseur, Mamoudou Yéro Bess, a été démis de ses fonctions, pour «malversation», selon ses détracteurs, pour des «raisons politiques», parce qu’il «n’est pas natif de M’Bagne», selon ses amis. Natif de Dawalel, ne craignez-vous pas que de telles frictions ne viennent entraver votre action à la tête de la mairie?
Je suis très mal placé pour accréditer ou démentir la thèse de malversation avancée par ses détracteurs. Mais, à mon avis, je pense, très sincèrement, que ces accusateurs auraient pu, sans aller jusqu’à la démission, demander un contrôle par des structures compétentes, tel l’IGE ou la Cour des Comptes. Ce faisant, ils auraient pu prouver ou non la véracité de leur accusation, mais, aussi et surtout, éviter, à la mairie, le temps que nous avons perdu.
Par ailleurs, les frictions, entre les castes, telles «Thiouballo» et «Torodo», les rivalités entre villages sont réelles, il ne faut pas se voiler la face mais, moi, je ne n’inscris pas dans cette optique. Je n’ai de problème avec personne, j’entretiens des liens de parenté, d’amitié et d’alliances traditionnelles avec tout le monde. De Winding à Ferallah, en passant par Dabano, Dabbé, M’Bagne, Haimedatt et, bien sûr, chez moi, à Dawalel, les citoyens de la commune me connaissent; ils savent que ces vocables sont bannis de mon lexique. Et puis, vous l’ignorez peut-être, comme beaucoup d’autres, ma maman est de M’Bagne et le candidat de l’UDP est mon cousin. C’est vous dire donc qu’a priori, il n’y a pas d’inquiétude à se faire.
Enfin, mon intime conviction, c’est que le choix des hommes doit obéir à des critères objectifs: compétences, expérience et choix des populations. Les frictions, instrumentalisées par certains, constituent, à mes yeux, un dangereux frein au développement de la commune. Je souhaite que l’expérience que la commune a vécue serve de leçon, à tous les acteurs politiques de la commune. En ce qui me concerne, donc, je ferai de mon mieux, pour éviter que de telles considérations viennent perturber les rapports et la sérénité au sein du conseil municipal.
Propos recueillis par Dalay Lam

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