mardi 29 mars 2011

Mortalité maternelle et infantile au Guidimagha :




«Rôle de la radio régionale dans la santé de la mère et de l’enfant »



Région réputée la plus pauvre de la Mauritanie, le Guidimagha reste enclavée. La route goudronnée qui devait la relier aux routes nationales, via Kaédi, est loin de s’achever. Au Guidimagha, les femmes et les enfants mourraient en grand nombre, du fait des liaisons difficiles entre les principales localités et l’hôpital régional de Sélibaby, seule structure dont le plateau technique est plus ou moins relevé.

D’où l’utilité de la radio régionale qui compense ce déficit en infrastructures routières, témoigne Dr.Kelly Nazirou, Directeur régional à l’action sanitaire (DRAS) du Guidimagha.

Dans cette région, selon Dr.Kelly, la politique de santé repose sur le système IEC (Information, éducation, communication), avec un accent particulier sur la sensibilisation et la mobilisation.

Comme toutes les régions vulnérables, le Guidimagha fait partie des zones ciblées par le projet CAP-CERF de l’UNFPA pour la réduction de la mortalité maternelle. A ce titre, le DRAS du Guidimagha Dr.Kelly Nazirou affirme avoir reçu en décembre 2010 un grand lot d’intrants dont 288 boîtes (de 1.000 comprimés) de fer, 11 boîtes (de 1.000 comprimés) de vitamine A, 1565 kits d’accouchements, 1565 voiles et boubous, ainsi que 1565 moustiquaires imprégnés.

Ces intrants sont destinés aux centres et postes de santé les plus enclavés et les moins fréquentés pour rehausser leur taux d’accueil en consultations prénatales et en accouchements médicalement assistés. Parmi ces zones vulnérables, le centre de santé de Ghabou aurait reçu une dotation de 20 boîtes de fer¸ 1 boîte de vitamine A, 100 voiles et boubous, 100 kits et 100 moustiquaires. Résultat, le centre aurait effectué au quatrième trimestre 2010, quelques 31 consultations prénatales (CPN) alors qu’au deuxième trimestre 2011, il en est déjà à 27 CPN.

Ce qui augure selon Dr.Kelly, d’une plus grande affluence des femmes enceintes au niveau de cette structure sanitaire. Le même constat vaut selon lui pour les consultations post-natales (CPON), avec un total de 3 CPON au quatrième trimestre de 2010 alors qu’au cours du premier trimestre de 2011, le centre a déjà enregistré 2 CPON. La même évolution a été notée selon Dr.Kelly dans la localité de Arr qui a enregistré selon lui 73 CPN au quatrième trimestre 2010 et déjà 19 au deuxième trimestre de 2011.

Sur le plan régional, le Guidimagha aurait enregistré au quatrième trimestre 2010 quelques 809 CPN alors qu’au premier trimestre 2011, il en est déjà à 674 CPN. L’hôpital de Sélibaby a été en outre doté, selon le DRAS, de nouveaux matériels, dons de l’UNFPA, notamment une table d’accouchement, une table de réanimation pour nouveau né, une ventouse, un appareil forceps. La boîte césarienne quant à elle ne serait pas parvenue selon l’unique gynécologue de service.

De l’avis du Dr.Kelly Nazirou, une grande amélioration a été notée sur le plan de la couverture sanitaire par rapport à l’année dernière et qu’il s’attend à de meilleurs résultats au cours des prochains trimestres. Par delà l’aspect technique, équipements médicaux et intrants, les centres et postes de santé situés dans les localités du Guidimagha privilégient l’approche IEC, en collaboration avec les populations, par le biais d’ONG locales qui s’occupent de la distribution de certains intrants (boubous et voiles) fournis par l’UNFPA, mais aussi de la sensibilisation des femmes sur la nécessité d’avoir une grossesse suivie médicalement et d’un accouchement assisté en milieu sanitaire.

Cette politique selon les praticiens a donné de grands résultats en termes de fréquentations dans les centres et postes de santé et dans l’accroissement du taux de couverture en CPN. Le souci du Dr.Kelly Nazirou, spécialiste en épistémologie, est de renforcer la plaidoirie pour la santé de la mère et de l’enfant en mettant l’accent sur les groupes cibles (femmes et enfants) plutôt que sur les chiffres dont la portée selon lui est plus abstraite. D’où son aversion, dira-t-il, de s’exprimer en termes de chiffres et de taux, bien qu’il reconnaisse l’indispensable utilité de l’outil statistique.

Sur le plan logistique, l’hôpital régional de Sélibaby sera doté bientôt, révèle Dr.Kelly, de deux ambulances, dont celle qui a été immobilisée depuis deux mois pour accident et qui a été réparée par la tutelle. Ces véhicules, par delà un apport bénéfique dans l’évacuation des cas d’urgence, complètent ainsi un plateau technique riche de son personnel de haut niveau, dont un gynécologue et une sage-femme spécialiste en soins obstétricaux d’urgence, se réjouit Dr.Kelly.

Pour le jeune médecin-chef de l’hôpital, Dr.Sidi Mohamed Ould Hacen, fraîchement débarqué, la maternité est le pilier de la structure hospitalière de Sélibaby en ce qu’elle s’occupe de la quasi-totalité des accouchements au niveau régional. Pour Dr.Gaye Mohamed Lemine, gynécologue chef de service de la maternité de Sélibaby, sa structure fonctionne dans la plus grande précarité, car ne disposant ni de boîte à césarienne ni d’un anesthésiste compétent.

Il se réjouit tout de même des deux tables d’accouchement que l’UNFPA vient de livrer à l’hôpital ainsi que d’un aspirateur et d’une table chauffante, regrettant l’absence d’un stock d’instruments indispensables tels que stéthoscope et tensiomètre. Dr.Gaye déplore également le manque de personnel qualifié et l’inexistence d’une couveuse. La maternité de Sélibaby manque aussi selon lui de ventouse pou nouveau-né, de monitoring indispensable pour les opérations en césarienne.

Devant le modeste réduit qui sert de bureau et de salle de consultation au Dr.Gaye Mohamed Lemine, une dizaine de femmes de tous les âges fait la queue. Maïmouna Tadis, la trentaine dit attendre depuis le matin pour une consultation poste natale. Elle vient de la localité de Arr, où elle avait accouché après avoir suivi régulièrement ses quatre visites. Les premières que cette mère de trois enfants a effectuées dans sa vie, ses deux précédents enfants étant nés chez elle des mains d’une matrone traditionnelle.

Aïssata Boubou Sow est quant à elle venue du lointain village de Woulrabi, pour consulter son bébé de trois mois. Toutes nos interlocutrices, de braves villageoises à la mine éteinte, disent avoir pris conscience de l’intérêt d’une grossesse suivie et d’un accouchement médicalement assisté. Elles ont exprimé leur satisfecit par rapport aux services de santé qui leur sont fournis. Certaines disent avoir bénéficier d’intrants fournis par l’UNFPA, en termes de fer, de vitamine A, de boubous ou de voiles, de moustiquaires et de kits d’accouchement.

Haja Aw avoue avoir été attirée pour la première fois dans une structure sanitaire, après eu vent des dons offerts aux femmes enceintes ou qui accouchent. Toutes ont cependant reconnu l’apport considérable que joue la radio régionale, celle de Sélibaby, dans leur éducation sanitaire. Il en est ainsi des campagnes de vaccination, des spots et messages radiophoniques qui appellent constamment les femmes du Guidimagha à des changements de comportements, destinés pour la plupart aux femmes en état de grossesse ou des femmes allaitantes, des dangers liés aux accouchements non assistés…Avec l’évolution actuelle dans la prise de conscience, le Dr.Kelly Nazirou s’attend à des résultats probants pour la réduction drastique de la mortalité maternelle et infantile dans la région du Guidimagha.

Cheikh Aïdara


www.cridem.org


Source :
L'Authentique (Mauritanie)

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