dimanche 2 janvier 2011

Expropriation foncière le long de la vallée du fleuve : 'Fonds vautour' vous avez dit ?!




Nous le disions tantôt dans notre précédente édition n° 663, plusieurs associations membres du Forum national des Organisations nationales de défense des Droits de l’Homme (FONADH), dénonçaient lundi dernier, au cours d'une conférence de presse, la spéculation et les expropriations foncières le long de la vallée du fleuve Sénégal (Trarza, Brakna, Gorgol, Guidimakha).

Au cours de cette conférence de presse, M. Sarr Mamadou, président du FONADH a indiqué que la problématique ne date pas d’aujourd’hui.

Selon lui, depuis les événements de 1989, les populations de la vallée du fleuve sont régulièrement victimes d’expropriation de leurs terres par des spéculateurs, en complicité avec l'administration territoriale, en dépit de vives protestations.

« La situation s'est aggravée ces derniers mois avec les attributions de concessions rurales à des investisseurs étrangers, sans concertation préalable avec les populations cernées », a-t-il lancé avant de précisé que ces derniers se sont mobilisées de leur côté pour défendre leurs droits sur ces terres et dénoncer les violations de plusieurs dispositions de l'ordonnance 83.127 du 5 juin 1983 et ses différents décrets d'application.

La déclaration du Comité de Surveillance de la sécurité Alimentaire (CSSA) revendique « le droit de propriété des populations sur les terres de culture issues des régimes de l'Afrique occidentale française (AOF) et reconnues par la loi foncières 83.127 de juin 1983, qui précise que les immatriculations au nom des chefs et notables sont réputées avoir été consenties à la collectivité traditionnelle de rattachement ». Lire intégralement la déclaration du CSSA en page 7 du journal.

L’irresponsabilité des décideurs dénoncée.


Au chapitre des interventions, après M. N’Diaye Saidou Yéro, c’était au tour de Djigo Moussa Abou responsable du comité de suivi du foncier dans la moughataa de Boghé (Dar El Avia, Ould Birome, Bouhdida et Boghé) de s’adresser à l’auditoire pour dire que quand le problème s’est posé, les populations se sont retrouvées pour déterminer leur position, une structure de coordination et de suivi de ce problème a été mise en place.

« Il n’y a que la commune de Dar El Barka qui s’est structurée à part, mais le problème et les positions sont quasiment les mêmes », a-t-il précisé. Il a indiqué que zone en question est très vaste puisqu’elle borde toutes les communes en longueur jusqu’à la route Boghé-Aleg.

« Cette zone a la particularité essentielle d’être une zone d’élevage et de culture sous pluie. Toutes nos communautés, du point de vue pastoral, vivent dans cette zone. Toutes je dis !», martèle M. Djigo. Et de s’interroger : « qui sont ces communautés » ?

Puis il donne la réponse : « Nous avons, les Oulad Abdallah, les Halaïbés et Yirlaabés, les Mbonaabés, les Souskanaabés, les Edinaabés, les hatatines Oulad Seyid, les Tendgha, les Tanaak, les Woddaabés, les Haïrankoobes, les Idjeydjba ».

M. Djigo dit que c’est cela l’ensemble des communautés qui couvrent cette zone dont l’élevage ne dépend que de cette zone. Cela fait trois ou quatre ans, d’après lui, qu’aucun éleveur de la commune de Boghé n’a émigré pour aller ailleurs comme cela se faisait dans les temps. A l’en croire, pendant certaines périodes de sécheresse assez avancées, les gens quittent pour aller dans la wilaya du Gorgol et ailleurs à la recherche de pâturage.

Il souligné par ailleurs, que d’autres communautés de transhumants profitent largement de la zone. Car, dit-il, il y a des usines de lait qui se sont installées à Boghé qui fait que beaucoup de gens se sont rapprochées de cette localité, même s’ils ne sont pas des autochtones.

Pour M. Djigo, si jamais cette zone est attribuée comme l’Etat veut le faire, ce sera tout simplement une immense catastrophe qui va en découler. « Ceux qui ont pensé à cela, on dirait qu’ils n’ont aucune idée des réalités nationales. C’est extraordinaire, cette irresponsabilité qui a présidé à la conception de ce plan », s’exclame t-il amer.

Pour lui, la conséquence pratique d’une telle situation est que tout l’élevage va se rabattre sur le sud, à savoir les terres du Walo. « Présentement vous ne pouvez pas accéder au fleuve du fait des champs ou bien des petits périmètres. Or les champs ne sont pas protégés. L’Etat est défaillant sur ce terrain là », ajoute t-il.

Rejet unanime des populations.

Djigo Moussa a poursuivi son intervention en évoquant les problèmes d’ordre règlementaire qui se posent. Selon lui, en regardant la loi et ses textes d’application, on ne peut penser que c’est la Mauritanie qui a conçu ces textes. Pourquoi, s’interroge t-il, avant d’ajouter « parce que les textes dans leur principe, il y a pas mal de bonnes choses là-dedans ». Par exemple, dit-il, la loi interdit de donner des concessions.

Or, précise t-il, c’est précisément ce qui est entrain de se faire. « On ne comprend pas que l’autorité administrative soit la première à bafouer, piétiner les textes de ce pays », lance M. Djigo. S’agissant de la publicité affichée, il a pointé du doigt les irrégularités dont il souffre. « Si on remonte jusqu’à la publicité qui a été faite, tout est irrégulier.
La loi demande au candidat à une concession, de décliner d’abord son identité. En outre, l’affiche doit mentionner le nom du demandeur. L’affiche doit également signifier le projet que le demandeur entend réaliser. Quant au hakem, dès que le demandeur dépose son dossier, il doit se rendre sur les lieux pour faire deux choses : voir les présomptions de domanialité de ce terrain et aussi s’il n’y a pas de conséquence négative sur les riverains. Rien de cela n’a été fait.

Le hakem est tenu de commander à ses services de faire une étude d’impact qui n’a pas été faite d’ailleurs. Il est également tenu d’écrire officiellement aux maires compétents en l’occurrence, les maires de Boghé, Dar El Avia, Ould Birome (Olo Ologa) pour ce qui est de la Zone sud, et Bouhdida pour ce qui concerne la zone nord à l’effet de leur demander leurs avis.

Les maires, à leur tour, doivent réunir leurs bureaux municipaux pour poser ce problème, et le maire en tant qu’élu n’a pas à exprimer une position personnelle dans ces commissions départementales qui sont auprès du hakem. Il exprime la position de sa municipalité. Ce qui n’a pas été le cas ».

La Mauritanie, explique M. Djigo, a connu depuis l’indépendance jusqu’à maintenant, trois textes de loi. La dernière, avance t-il, l’ordonnance 83.127 du 5 juin 1983 a 27 ans. Aucun ne la connaît dans la vallée du fleuve. « Personne dans la vallée ne la connaît dans le monde paysan susceptible un jour d’en subir les conséquences.

J’attire votre attention parce que même dans le dernier décret d’application les commissions départementales et régionales l’Etat a changé les dénominations. Désormais elles s’appellent commissions de prévention et d’arbitrage. Je pense que ce n’est pas innocent, ce n’est pas pour rien. Prévenir quoi, les conflits. Mais comment prévenir les conflits si vous commencez par ne pas appliquer les textes d’abord ?

C’est pourquoi, dit M. Djigo Moussa, l’ensemble des populations de la commune de Boghé, de Dar El Avia et de Ould Birome sont unanimes à rejeter une telle initiative dans la mesure même où, elles ne connaissent même pas les enjeux de ce projet, encore moins consultées et les leurs intérêts fondamentaux peuvent ne pas être pris en compte. Ainsi entendent-elles ne pas baisser les bras pour défendre vaille que vaille leurs propriétés quoi qu’il en coûtera.

Compte rendu Moussa Diop

www.cridem.org


Source :
Le Quotidien de Nouakchot

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