vendredi 19 novembre 2010
Mieux vaut prévenir que guérir : La thérapie qu'il nous faut
Au carrefour de la civilisation arabo-berbère et négro-africaine, à la position la plus septentrionale du Sahel (le baobab le plus nordique de l’Afrique se situait au nord de Nouakchott à l’intersection des deux plus grands déserts du monde, déserts de furie, le Sahara et l’Océan Atlantique, la Mauritanie est exposée à bien des problèmes multidimensionnels pour la résolution desquels dépend sa survie et son décollage socio-économique.
Si avec le barrage hydro-électrique de Manantali, on peut parler de MDP (Mécanisme de développement propre) : de simples chutes d’eau entraînant des turbines qui transforment l’énergie potentielle en énergie électrique, sans pollution aucune, notre pays doit se soucier du réchauffement climatique, d’autant plus que notre capitale est dans une dépression (-22 m IGN), que le cordon dunaire du littoral a disparu pour des fins de construction.
Il suffit d’un rien pour que l’eau déferle de Nouakchott à Saint-Louis par l’Aftout es-Saheli et de Nouakchott à Akjoujt par les sebkhas de Ndramcha et d’Idjill.
Pour mémoire, en 1950 (“Amo 50”), l’eau du fleuve avait débordé de son lit majeur pour atteindre Nouakchott. L’on pourrait penser à une exagération. Comment alors expliquer les phosphates qui gisent dans le triangle de Bofal ou les grains de pollen de Avicennia africana enfouis dans des roches argileuses à Boghé visibles au microscope électronique sinon que la mer était venue jusque-là.
Les crues de l’hivernage de l’année dernière à Nouakchott, consécutives à la remontée de la nappe phréatique, aidées par les pluies (et pourtant la capitale passe par l’isohyète 150 mm) sur un sol halophile saturé… doit interpeller notre conscience collective.
Et qu’adviendrait-il si le biseau salé (nappe salée en dessous de la nappe d’eau douce) remonte et contamine la nappe dulcicole ? Et que sera le pays sans Nouakchott ?
Heureusement que le projet d’adduction d’eau de Nouakchott est en passe de s’achever (projet dit Aftout es-Saheli).
Une catastrophe dans l’extraction du pétrole off-shore (rupture d’étanchéité d’un pipe-line, explosion d’une plate-forme, défaillance technique d’injection d’eau dans les puits pétroliers etc.) effacerait d’un revers de la main nos potentialités halieutiques et ornithologiques du PNBA (Parc national du Banc d’Arguin et du parc de Diawling, malgré l’existence de facteurs positifs hauts-fonds, thermocline, zones euphotiques, upwelling, fusionnement de phytoplancton et corrélativement de zooplancton etc.
Et la Mauritanie perdra sa position de pays aux côtes maritimes parmi les plus poissonneuses au monde, comme elle a perdu son rang de 2e producteur de gomme arabique après le Soudan avec les années de sécheresse.
La Norvège a su harmoniser ses deux poumons économiques : son pétrole off-shore et ses richesses halieutiques mais à quel prix et à quelle expertise ?
L’écoulement gravitaire au niveau du barrage de Foum Gleïta, lieu de convergence des deux Gorgol (Gorgol noir et Gorgol blanc), avec possibilité de génération d’électricité, devrait bénéficier à des milliers de paysans et à moindre frais, en irrigant des milliers d’hectares (aujourd’hui en jachère forcée par la régénération de la strate arbustive).
Par sa position altimétrique, le Guidimakha est un véritable exutoire des eaux venues des hauteurs de l’Assaba et du Gorgol. Toutes ces eaux s’écoulent dans des failles (Garfa, Tourimé, Ouad Saloum etc.) peuvent être domestiqués et par conséquent profiter à la région, lui restituant ainsi son titre d’antan de grenier du pays avec la construction de seuils de ralentissements.
L’exemple le plus illustratif est celui de Ndiew permettant d’améliorer le niveau de vie de ses habitants.
L’Etat a fort intérêt à revoir sa politique agricole au moment où les paysans ont des difficultés de s’acquitter de leurs redevances (entre autres facteurs limitants, une superficie de 0,5 ha est infraliminaire pour amortir une campagne agricole). Et qu’est-ce qu’on ne pourrait pas faire le long des 650 km de littoral, du Karakoro, des oueds Garfa et Ketchi, des lacs R’kiz et Aleg. La pisciculture doit être introduite à grande échelle pour combler les déficits diététiques, l’autosuffisance alimentaire, l’exportation des produits agricoles au moment où nos voisins parlent de GOANA (Grande offensive agricole pour la nourriture et l’abondance).
En tous cas, cette révolution passera inéluctablement par l’éradication du criquet pèlerin (schistocerca gregoria), de l’oiseau mange-mil (quelea quelea), de la chenille (sesamia critica) qui compromettent aujourd’hui l’agriculture en Somalie.
La disparition des ligneuses due beaucoup plus à l’anthropisation qu’au glissement des isohyètes vers le sud, n’aide pas le secteur primaire. La Mauritanie a déjà mangé son capital naturel passant d’une phase de désertification à une phase de désertisation.
Qu’attend-on pour l’exploitation des tourbes de Keur-Macène, substituant ainsi ce combustible solide au charbon de bois d’ici l’exploitation de nos gisements de gaz. Il est judicieux de repenser au tracé du futur chemin de fer, qui en amenant les phosphates, pourrait en sens inverse, transporter la tourbe. Il est vrai que le phosphatage est indispensable au développement de l’agriculture, mais aussi, il faut dès à présent prévenir les dangers écologiques d’une telle entreprise.
Les phosphates et l’acide phosphorique inhalés par les populations par le train à grande vitesse et avec la direction des vents ne sont pas assimilables par l’organisme humain et causent des artefacts démentiels, à l’image de ces employés du chemin de fer Nouadhibou-Zouérate qui meurent par petit feu sous l’effet de la silicose.
Ces employés sont-ils des victimes consentantes ? D’ailleurs l’exploitation de toutes les mines mérite une surveillance permanente du pouvoir décisionnel. Combien d’employés ont perdu la vie à la MORAK (Mine d’or d’Akjoujt) ou plutôt « mort d’Akjoujt ». Pour l’extraction de l’or, des substances hyper toxiques sont utilisées telles que la cyanure et l’arsenic. Que se passe-t-il aujourd’hui au Tasiast ?
Les grands massifs dunaires que sont l’Azefal, l’Akchar et l’Amoukrouz avancent irrésistiblement. C’est beau de planter un million d’arbres (un arbre pour trois habitants), mais rien ne sert de courir, il faut partir à point, encore faudrait-il les protéger !
Où est passée l’ancienne ceinture verte de Nouakchott ? Plus qu’exploiter nos potentialités minières et énergétiques, nous devons penser et au plus vite à leur transformation in situ pour sortir du cercle des PPTE (Pays pauvres très endettés).
Le tableau pastoral est encore des plus nébuleux et demeure surtout une activité de prestige. C’est un élevage extensif peu rentable et tributaire des aléas climatiques. En janvier 2002, à la suite d’une pluie d’hiver, le thermomètre avait affiché 13°c et le cheptel a été décimé par milliers. En 2008, tout le cheptel était dans un goulot d’étranglement. N’eût été des pluies venues in extremis, le bétail allait se volatiliser.
Le plus inadmissible c’est qu’à chaque campagne agricole, il y a mort d’hommes (l’année dernière encore à Séyène dans le Gorgol) consécutifs aux conflits récurrents entre agriculteurs et éleveurs. Tout le cheptel national vaut-il la mort d’un citoyen ? Les éleveurs ont besoin d’être éduqués et leur bétail élevé ainsi donc passer d’un élevage extensif, aléatoire, conflictuel et peu rentable à un élevage intensif plus sécurisé.
En Hollande où le cheptel est de plus de 1000 fois plus réduit que chez nous, les populations s’abreuvent de l’or blanc amené jusque chez eux par des robinets. Les zones agricoles méritent d’être protégées.
En plus des protections mécaniques par les grillages, il y a lieu de vulgariser l’Euphorbia balsamifera (par son latex toxique, par sa remanescence, son grand pouvoir de régénération, son adaptation aux conditions xériques) et certaines légumineuses (qui, en plus de leur pouvoir fertilisant, ils sont capables de fabriquer de l’ammoniaque) dont les épines permettent de protéger les plantes, le Mimosa pigra, l’Acacia ataxacantha et l’Acacia melifera (biotope de prédilection des abeilles, l’apiculture -production de miel- est une AGR permettant de lutter contre la pauvreté).
Il est grand temps de créer un haut conseil de prévision des catastrophes et des conflits. L’Institut mauritanien de recherches océanographiques et de pêche doit désormais, en plus de ses activités traditionnelles, surveiller les risques de pollution en mer, liés à l’exploitation du pétrole.
Des poissons doivent être élevés dans des aquariums contenant l’eau de mer de proximité des champs pétrolifères et suivre leur métabolisme et ainsi déclencher la sonnette d’alarme en cas de besoin.
Il y a nécessité de simuler des scénarios catastrophes et jauger nos capacités de réaction ; apprêter des sarcophages en cas de marée noire qui pourrait avoir des conséquences incalculables, entre autres diminution de la biomasse, périclitement de la biodiversité. Incendie ou pas, les extincteurs doivent être en place car mieux vaut prévenir que guérir.
Sy Elhousseinou
Directeur du lycée de Djéol
www.cridem.org
Source :
Dia Abdoulaye
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