lundi 25 octobre 2010

Entretien avec Madame Sy Lalla Aïcha, Secrétaire Exécutive adjointe du FONADH



« Nous avons comme objectif principal, à travers ce projet, bien sûr, le renforcement des capacités de nos organisations, et surtout la consolidation des capacités des militants des droits de l’homme qui sont membres de ce réseau »


Madame, Sy Lalla Aïcha préside le Comité de Solidarité avec les Victimes des Violations des Droits Humains, une organisation de défense des droits de l’homme qui s’active, depuis de nombreuses années, pour faire respecter les droits civils en Mauritanie.

C’est, à ce titre, qu’elle occupe, au sein du Comité directeur du FONADH, le poste de Secrétaire Exécutive adjointe chargée de l’Administration et de la Formation.

C’est au cours d’une mission qu’elle effectuait, au nom de cette Ong de défense des droits humains, dans la région du Brakna, que nous l’avons rencontrée. Elle a accepté de répondre à nos questions.

L’Eveil Hebdo : Pouvez-vous nous faire une évaluation sommaire des activités du FONADH dans la région du Brakna, dans le reste du pays, et nous parler surtout du projet de "Vulgarisation des Textes Fondamentaux et des Textes de Base"?

Lalla Aïcha : Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de m’adresser aux lecteurs de L’Eveil Hebdo, à travers cette interview. Ce projet a été conçu par le FONADH. Il est financé par le PASOC via l’Union Européenne. Et nous avons comme objectif principal, à travers ce projet, bien sûr, le renforcement des capacités de nos organisations, et surtout la consolidation des capacités des militants des droits de l’homme qui sont membres de ce réseau.

Nous avons eu déjà à organiser plusieurs formations à Nouakchott, Nouadhibou, Kaédi, Sélibaby et Rosso. Nous envisageons maintenant d’organiser d’autres formations à Nouadhibou et à Zouératt.

Ces formations vont porter essentiellement sur l’Informatique, l’utilisation des Technologies Nouvelles. Nous avons également formé nos militants sur les Techniques de Communication, tels que le plaidoyer et la négociation, et sur le montage des projets. Nous sommes actuellement dans une autre formation, notamment la vulgarisation des textes fondamentaux.

L’Eveil Hebdo : Quel est le degré d’évolution actuel du dossier dit " passif humanitaire" ?

Lalla Aïcha : Le dossier du passif humanitaire comprend trois volets. Il y a ce volet des rapatriés, dont une partie est déjà revenue en Mauritanie ; il y’a le dossier des tueries (les militaires et civils qui ont été tués pendant les évènements) ; et nous avons comme troisième aspect de ce dossier du passif humanitaire, l’affaire des fonctionnaires radiés arbitrairement durant les douloureux évènements de 1989, qui cherchent à être réintégrés, donc à recouvrir leurs droits.

Par rapport à ces trois aspects, celui des réfugiés, nous avons enregistré le retour du Sénégal d’une partie de ces concitoyens dans notre pays, depuis 2008. Mais, ils sont dans des conditions difficiles, extrêmement difficiles même. Nous avons visité les sites des rapatriés, et nous avons constaté qu’ils vivent encore dans des habitats très précaires. C’est dans des hangars et des cases où se posent énormément de problèmes.

Problèmes de la scolarité de leurs enfants, problème d’état civil, il y a aussi le problème foncier qui se pose. Le FONADH travaille avec l’ANAIR pour mettre le doigt sur les quelques problèmes qui se posent, en vue de leur trouver des solutions. J’avoue que c’est difficile, ça avance très lentement. Nous aurions souhaité, au niveau du FONADH, que les choses aillent plus vite pour le bien être de ces populations qui sont revenues, mais qui commencent même à se décourager, et certaines d’entre elles envisagent même de retourner !

L’Eveil Hebdo : Qu’est ce qui explique ces lenteurs, selon vous ? Un manque de volonté politique ou des cadres qui cherchent à torpiller la volonté du pouvoir ?

Lalla Aïcha : On ne peut pas dire qu’il n’y a pas une volonté politique. Les gens sont quand même revenus ! Il y a volonté, mais il y a aussi une situation de fait qui fait que les gens sont obligés de se pencher sur ce dossier du passif humanitaire. Aussi bien qu’au plan national qu’international, il y a de fortes pressions qui sont exercées sur le gouvernement pour se pencher sur ce dossier. Mais nous savons aussi qu’il y a des personnalités très proches du pouvoir qui constituent des goulots d’étranglement, qui ne veulent pas que ce dossier avance.

Nous savons que des pressions sont exercées sur les décideurs pour que le dossier n’avance pas. Et c’est des gens qui n’aimeraient pas voir ce dossier avancer. Le pouvoir doit se démarquer de ces gens-là, et prendre toutes les dispositions nécessaires pour que ces Mauritaniens, qui ont regagné leur patrie, puissent vivre dans des conditions acceptables, en paix et dans la dignité.

Je pense effectivement qu’il y a des gens qui torpillent ce dossier, et ils ne veulent pas d’ailleurs que ça avance. Ils sont aussi connus. Ils ne veulent pas que les Mauritaniens déportés au Sénégal et au Mali reviennent. Et c’est pourquoi le dossier des déportés Mauritaniens au Mali n’avance pas. Ces derniers sont toujours là bas.

L’Eveil Hebdo : Que faites-vous alors en tant qu’institution chargée de la défense des droits humains pour faire avancer les choses?

Lalla Aïcha : Nous avons certains de nos membres, en particulier le président du FONADH qui siège au niveau du Conseil d’Administration de l’Agence Nationale d’Accueil et d’Insertion des Réfugiés. Il ne cesse de plaider et de poser les problèmes des rapatriés qui vivent dans les sites, auprès de cette institution. En plus, nous effectuons régulièrement des visites dans les sites des rapatriés pour recenser les problèmes qui se posent avec nos antennes locales.

La plupart de nos antennes locales (AMDH, le Comité de Solidarité avec les Victimes de la Répression, SOS- Esclaves) travaillent sur le terrain, et exercent des pressions sur l’administration locale pour montrer du doigt les problèmes qui se posent, et prouver au plan international que le dossier n’avance pas, ou qu’il avance très lentement. Et que cela porte préjudice aux populations qui sont revenues.

Ce qui, en fait, ne favorise pas l’ancrage de la paix et de la cohésion sociale.

Propos recueillis par Jules Diop
Cp Brakna


Source :
L'Eveil Hebdo (Mauritanie)

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