jeudi 10 juin 2010

Brakna : En attendant l’hivernage



C’est la canicule en ce début de juin. C’est normal. Ne dit-on pas qu’on ne peut incriminer une chose qui arrive à son temps ? Pourtant, visiblement tout va bien. L’animation, très perceptible dans les marchés d’Aleg, de Boghé ou de Bababé, dément, formellement, les persistances rumeurs sur le manque d’argent. Les prix sont relativement abordables. Le sucre coûte, même, un peu moins qu’à Nouakchott: 245 UM le kilogramme contre 250 dans la capitale. Et, alors que les paysans viennent de faire de bonnes récoltes, suite à une bonne pluviométrie, les éleveurs, eux, se pavanent allégrement dans les rues, mains derrière le dos, tout contents que le sac d’aliment de bétail (rakel) n’ait pas encore dépassé les 4000 UM, grâce à la prolifération, à travers toute la wilaya, de milliers d’hectares de pâturages. Tout semble donc calme, au Brakna, après la valse de la dernière campagne d’implantation du parti d’Ould Abdel Aziz. A quelques jours du coup d’envoi de la coupe du monde de football, la jeunesse férue du sport roi affûte ses antennes et se déploie, intensivement, pour tout mettre en œuvre, sur le plan technique, afin de s’assurer une bonne fête sportive. Administrativement, R.A.S. (Rien A Signaler), pour reprendre une expression chère aux opérateurs. Les établissements scolaires sont sur le point de fermer, les feux de brousse ont été, plus ou moins, maîtrisés, les structures sanitaires disséminées dans la wilaya ne déplorent aucune grande épidémie. Quelques cas de paludisme par ci, des cas de diarrhées par là.
Cependant, l’eau, surtout dans la moughataa de Magta Lahjar et en Aftout, pose encore problème. A Boghé, l’agriculture, malgré les hommes, les terres fertiles, les abondantes eaux du fleuve et les gros financements, bat toujours de l’aile. Si, à Bababé, les fréquents litiges, entre éleveurs et agriculteurs, ne sont plus qu’un mauvais souvenir, grâce à l’expérience et à la responsabilité du hakem de cette moughataa, Mbagne reste, toujours, le parent pauvre de la wilaya. Certaines de ses localités manquent, encore cruellement, de services de base fondamentaux. En cela, le village de Mbotto, menacé de soif, depuis une décennie, constitue un exemple éloquent. Pourtant, malgré ces aléas, «jamais le Brakna ne s’est senti aussi mieux», selon l’expression d’un maire pourtant pas rectificateur. «Cet homme», allusion à Ould Abdel Aziz, «depuis qu’il est là, n’a rien reçu. Mais il fait marcher le pays sans problèmes, sans plan d’urgence, sans PSI (Programme Spécial d’Intervention). D’ailleurs, regardez bien, depuis son avènement, les pluies n’ont jamais pris du retard. Elles tombent en abondance. Reconnaissons-le, cet homme est très chanceux.» Que signifient ces propos, flatteurs, d’un élu qui refusait, il y a quelques mois, d’accueillir, chez lui, le général putschiste? Simple constat ou prélude d’une reconversion annoncée? Les jours à venir édifieront, certainement, sur l’intention des hommes, si la rumeur d’une visite, imminente, du président de la République au Brakna, se révélait fondée.
(Re) Calme plat
La campagne d’implantation de l’Union Pour la République est finie, depuis pratiquement un mois. Les structures locales du parti – sous sections, sections, fédération – ont été mises sur pied, dans toutes les moughataa de la wilaya. Une occasion rêvée, pour une vieille classe politique locale maintes fois recyclée, de revisiter un terrain laissé en jachère, depuis le coup d’Etat du 6août 2008. Partout, dans tous les départements, on ne le dira jamais assez, les «cadres» ont, malgré la volonté des hautes autorités de la formation politique de Mohamed Ould Abdel Aziz, usé de tous les moyens, y compris les plus illégaux, pour paraître maîtriser une scène sur laquelle ils sont, parfois, inconnus. Pour cela, ministres en fonction, à la retraite, officiers supérieurs, hauts fonctionnaires et parlementaires ont élu provisoire domicile, dans leurs moughataa respectives. Manœuvres, argent, coordination régionale. A l’issue de la campagne, les acteurs politiques de toutes les tendances y vont de toutes les supputations. Alliances contre nature, entre des hommes qui ne «s’asseyaient pas au même feu». Chocs entre des hommes de toutes les générations, de toutes les conditions, de toutes les ambitions. Tout cela pour une place au congrès du parti. Finalement et à seulement voir la liste des délégués du Brakna: un montage d’anciens ministres d’Ould Taya, de vieux notables cooptés suivant des considérations anachroniques qui n’ont rien à envier aux pratiques qui ont toujours prévalu. Aujourd’hui, un mois après l’installation des structures du nouveau parti, rien n’a été fait. Les responsables des structures dont certains ne sont même pas résidents dans les circonscriptions où ils ont été imposés, sont partis on ne sait où. Les populations, très sollicitées lors de la campagne, oubliées, jusqu’à prochaine échéance. Le bureau fédéral n’a jamais foutu patte au Brakna, depuis le jour de sa mise sur pied. Fédération des femmes, fédération des jeunes, section Aleg, sous section Agchorguitt, et autres structures. L’essentiel n’est, pourtant pas, de se faire élire ou de faire élire ses parents et de disparaître, mais d’entreprendre un travail politique durable et d’envergure, afin d’asseoir une base d’où les idéaux et orientations du parti pourraient être valablement vulgarisés.
Querelles de minarets
Aucune moughataa du Brakna ne peut se prévaloir d’avoir échappé aux sempiternelles querelles qui surgissent, à chaque échéance politique. Or, objectivement, si tous avaient œuvré pour un objectif commun – à savoir: faire adhérer le maximum de citoyens au projet de société que propose l’Union Pour La République – les dissensions allaient être considérablement limitées. Mais, comme au temps du PRDS, les tendances ont ressurgi, parfois de façon plus acharnée encore. A Aleg, tel ministre contre tel groupe autocthone, tel ancien haut responsable du ministère des Finances contre un ancien baron reconverti du RFD et son allié, un directeur de cabinet encore en fonction. A Boghé, une armée de généraux, contre un groupe de Torobés, avec, à sa tête, un colonel très introduit, et comptant, dans ses rangs, ministres, chefs de village, imams de mosquée et autres nostalgiques de la pérpétuation d’un empire du Walo que leur disputent une poignée de venants de tous horizons. A Bababé, le maire d’une petite commune prétend vaincre l’ardeur d’une forte coalition, constituée de hautes pointures, de l’envergure de Ba Mamadou Racine, Ba Mamadou Amadou et de Sall Boubou nouée autour de Thiam Thiombar, un homme discret, mais dont l’excellent travail, en amont, a été déterminant, lors de la dernière phase de la campagne d’implantation de l’UPR. A Mbagne, le vieux lion, Ba Bocar Soulé, a de nouveau rugi, face aux velléités d’un ancien maire, ambitieux, de revenir au devant de la scène. Bref, un Brakna où les mêmes se sont repris, afin de recommencer leur cinéma-théâtre de charme à l’actuel locataire du palais ocre , en attendant de sortir dans les rues ,mobiliser les foules pour soutenir son remplaçant.
Sneiba El Kory, de retour du Brakna

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