vendredi 27 février 2015

Politique : dans les méandres du programme de visites du Président de la République

Politique : dans les méandres du programme de visites du Président de la République
Au moment où les spéculations vont bon train et les analystes se contredisent au sujet de l’avenir du dialogue politique proposé par la majorité à son opposition, la presse détourne l’opinion vers des visites intentionnées par le Président de la République Mohamed Oud Abdel Aziz dans toutes les Wilayas intérieures du pays.

Ces visites démarreront, selon cette presse, à partir de la deuxième moitié du mois de mars prochain et commenceront par les deux grands réservoirs électoraux de l’Est, c’est-à-dire les Hodhs Al-Charghi et Al-Gharbi. En cherchant dans les méandres de ce programme surprise, on peut toujours imaginer des raisons selon qu’on est opposant farouche, laudateur dans la majorité présidentielle ou neutre.

Dans l’opposition, on ne cache pas la réjouissance de voir le Président de la République prendre finalement conscience de la gravité de la situation que vit son pays depuis longtemps et percevoir qu’une crise multiforme pointe à l’horizon. Pour elle, ces visites ne sont qu’une simple fuite en avant.

Une première raison de cette fuite en avant, en constitue l’impact négatif de l’absence de répercussion de la croissance économique réalisée sur les conditions de vie des populations et ce suite surtout à une répartition injuste des résultats cette croissance.

On cite aussi à ce sujet les conséquences, sur les possibilités de financement de l’Etat, du recul drastique des prix des principaux produits exportés (fer, or, etc.), des détournements dans les secteurs de recettes, du doute qui plane sur l’accord de pêche avec l’Union Européenne, de la crise financière des grandes entreprises de l’Etat, du départ de certains investisseurs étrangers, etc.

Si la chance d’organiser un dialogue inclusif entre la majorité et l’opposition devient grande, la réalisation des objectifs visés par les initiateurs de ce dialogue reste cependant incertaine.

C’est là une autre raison pour le pouvoir de chercher, à travers ces visites de tous les chefs-lieux des Moughataas du pays, à garantir la loyauté et l’allégeance des populations et à gagner leur confiance. Ceci facilitera, le moment opportun, une manipulation de ces populations pour des projets futurs tels que des réformes drastiques ( ), des élections anticipés (municipales, législatives et même présidentielles) ou des modifications de la constitution, notamment via un référendum.

Plusieurs composantes du FNDU, soupçonnent déjà le pouvoir d’avoir proposé le dialogue aux fins d’entrainer l’opposition –globalement ou partiellement- pour partager la responsabilité dans les domaines où l’échec est patent et incontestable. Alors, cette opposition est rassurée que les populations ciblées dans la Mauritanie profonde ne sont pas dupes pour accepter aujourd’hui de partager les résultats d’une mauvaise gestion dont le pouvoir en place en est le seul responsable.

Contrairement à cette vision pessimiste, le camp de la majorité présidentielle juge, lui, que le Président de la République effectue ses visites pour tranquilliser les populations et les rassurer que le gouvernement a pris les mesures qui s’imposent pour neutraliser les éventuelles conséquences négatives du déficit pluviométrique qui inquiète déjà certaines régions du pays et qui pourra offrir, en même temps, un terrain fertile aux critiques des mécontents du pouvoir et de son opposition déclarée.

Ces mesures constitueront les détails d’un vaste programme de « sauvegarde des populations rurales » et d’une nouvelle version 2015 du programme « Emel », destiné uniquement à la lutte contre la précarité dans les grandes concentrations urbaines.

Serait aussi l’occasion pour Monsieur le Président de la République de s’enquérir directement de l’état d’avancement d’un ensemble de projets comptabilisés déjà dans l’actif du premier mandat.

Ce sont les projets qui avaient été largement exploités, lors de la campagne présidentielle de 2014, pour montrer la nécessité de réélire leur réalisateur pour qu’il puisse finaliser les nombreux chantiers entamés et continuer à faire avancer la Mauritanie sur la voie du progrès.

Les populations visitées seront rassurées que le gouvernement œuvrera pour une finalisation effective des grands projets en cours et pour une accélération de la réalisation des autres engagements électoraux de 2014.

L’importance qui sera accordée aux audiences, permettra de rassurer les notables et la vieille garde qu’on a confondus, à un moment donné, avec les cabegistes et les prévaricateurs. Sera-ce alors l’occasion de renouer avec de tels groupes sociaux, économiques, politiques et religieux sur lesquels se sont toujours appuyés, par le passé, les pouvoirs politiques.

Il s’agira de rassurer tous ces groupes que les réformes annoncées lors du premier mandat ou préconisées pour le mandat actuel, ne menacent guère ni leurs intérêts matériels, ni la place occupée dans la société. En d’autres termes, il n’y a aucune incompatibilité entre cette volonté affichée de changer la classe politique et de lutter contre « Al vessad » et « Al moufsidine » et la préservation du statut de ces intermédiaires qui s’opposent à leur enterrement.

Notre majorité soutient que ce contact direct entre le sommet et la base, permettra au Premier Chef du pays de faire l’inventaire des problèmes spécifiques de chaque département visité, d’inviter les populations à contribuer tant dans la recherche de solutions satisfaisantes à leurs doléances que dans la réalisation du programme du gouvernement en général.

On n’exclut pas que Son Excellence demande la solidarité de son peuple pour faire face aux évolutions futures de la situation du pays ou prépare l’opinion publique à des décisions inédites liées à la bonne gouvernance.

Outre ces deux grands camps politiques de l’opposition et de la majorité, on distingue celui de la société civile, supposé généralement neutre. Ce troisième camp est convaincu que la vie n’est pas exagérément noire comme la décrive l’opposition. De même, cette vie n’est pas aussi rose comme la voit la majorité présidentielle.

En conséquence, cette société civile, organisée et non organisée, invite le Président de la République à :

(i) confier à ses conseillers la tâche d’étudier profondément la situation actuelle du pays telle que décrite par l’opposition ainsi que les fondements des projections qu’elle fait de notre avenir.

(ii) écouter attentivement les populations visitées, à enregistrer leurs problèmes et doléances et à utiliser ses propres circuits d’informations en vue d’arrêter les vrais problèmes et de leur trouver des solutions selon un ordre de priorité précis ;

(iii) considérer ces visites comme un dialogue social et un prélude à un autre dialogue, politique, qui ne semble pas prioritaire pour la majorité des mauritaniens ;

(iv) prendre conscience du changement des mentalités d’une partie importante des mauritaniens et des risques de cet éveil –minime soi-il- sur la stabilité du pays ;

(v) savoir que tout tourne autour de la justice qui, comme le reste des insuffisances, est tributaire de la bonne gouvernance.

S’agissant enfin de mon avis personnel, je dirais que le chaos n’est pas fatal puisque les mauritaniens sont, tous, tolérants, pacifistes et profondément marqués par leur religion l’Islam. Mais, quelque chose est à faire et sur plusieurs fronts et dans les meilleurs délais.

Dr Sidi El Moctar Ahmed Taleb

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