Il s’appelait Mahmouden ould Ahmed Salem ould Mohamed Khaïratt. C’était l’inspecteur départemental de l’Education nationale à Kiffa. Il était venu à Nouakchott, comme tous ses collègues DREN et IDEN du
pays, pour prendre part à un atelier, organisé par le ministère de
l’Education nationale les 30 et 31 décembre 2014 à l’hôtel El-Wissal, qui devait permettre, à ces dizaines d’experts, de réfléchir aux voies et moyens d’améliorer la qualité de l’enseignement.
Après la pause-déjeuner, je suis passé à sa table, pour récupérer des photos que je lui avais confiées, une heure auparavant. Et c’est à cet instant qu’il me dit : « j’ai mangé quelque chose auquel je suis allergique et je ne me sens pas bien. – C’est peut-être le poivre », ai-je suggéré.
Quelques instants plus tard, il me rejoignit dehors, accompagné d’un collègue, et me fis signe de la main. Je vins à sa rencontre et lui demandai ce qui-n’allait pas. Il me demanda de l’emmener à l’hôpital. Un autre de ses collègues qui était déjà au volant de sa voiture proposa de nous déposer.
En cours de route, il n’arrêtait pas de pomper son « Ventoline » et me demandait de le tapoter entre les épaules : il avait, visiblement, du mal à respirer. Il ne cessait de répéter la « Chahada » qui fut ainsi ses dernières paroles, avant de rendre l’âme. Arrivée au portail de l’hôpital, il perdit connaissance.
J’ai appelé sa sœur mais à peine ai-je coupé la communication que le médecin me dit : « il est décédé d’un arrêt cardiaque ». Je n’en croyais pas mes oreilles. Non pas que mon ami, mon frère Jemal, ne dût pas mourir – c’était un mortel, comme chacun de nous – mais une mort aussi brusque est toujours foudroyante pour les parents et amis. J’ai eu la présence d’esprit d’appeler l’un des DREN qui a aussitôt informé ses collègues et l’administration centrale du ministère.
Informé, le ministre a ordonné la suspension de l’atelier et demandé, à tous les séminaristes, de se rendre à l’hôpital. A la morgue où se déroulait l’ablution funéraire, Ba Ousmane a partagé la douleur des parents et amis de feu Mahmouden ould Mohamed Khairatt. A la mosquée Chorfa, il a prié dans une mosquée qui refusait du monde et participé, au cimetière des PK, à l’enterrement du regretté Jemal.
Mahmouden – Jemal, pour les intimes – était un homme hors du commun. Il était jovial, plaisantin mais respectueux. Il perdit son père à l’âge de seize ans. Aîné de la famille, Il en devint alors le responsable. Instituteur, directeur de l’école Ch’gara de Rosso puis de celle de-la mairie, Jemal se maria à deux reprises mais divorça chaque fois, pour mieux s’occuper des siens.
C’est seulement au troisième mariage avec l’actuelle mère de ses enfants – deux filles et deux garçons – qu’il put enfin « joindre les deux bouts », comme on dit en jargon familial. Admis inspecteur de l’enseignement fondamental, il postule, en 2007, sous « Nebghouha », et réussit, avec brio, à l’IDEN d’Akjoujt, avant d’être promu, cette année, IDEN de Kiffa.
Jemal maitrisait le français et l’arabe, parlait toutes les langues nationales et s’y retrouvait en anglais. Il était ponctuel et assidu au travail mais, aussi, exigeant et intraitable, quand il s’agissait de justice.
A ma connaissance, personne n’a osé dire : « Jemal m’a une fois menti ou m’a fait du tort », chose rare, par les temps qui courent. Il était profondément pieux. Malgré son asthme et ses problèmes cardiaques qu’il traînait depuis quelques années, il assurait ses cinq ablutions et ses cinq prières à la mosquée.
C’était un homme de relation, un homme ouvert d’esprit, qui arrivait toujours à convaincre, sans jamais vexer son interlocuteur. Il était l’ami des enfants, des vieux, des jeunes et même des débiles mentaux (je n’abuse pas car « kebkab », le fou de Rosso, en est une preuve).
C’était vraiment un ami, un frère, un confident mais, aussi, ma référence, en matière de religion. Grâce à lui, j’ai appris beaucoup de choses sur le fiqh, la sira et les hadiths. Ce mercredi noir du 31 décembre 2014, à 15h30, j’ai perdu et, avec moi, la Mauritanie, un homme de valeur. Comme jr fus la dernière personne à le voir, avant qu’i ne rendît l’âme, je témoigne, devant le Tout-Puissant, que ses dernières paroles furent la « Chahada ». N’est-ce-pas là une très bonne fin, pour un musulman ?
Jiddou Hamoud
Après la pause-déjeuner, je suis passé à sa table, pour récupérer des photos que je lui avais confiées, une heure auparavant. Et c’est à cet instant qu’il me dit : « j’ai mangé quelque chose auquel je suis allergique et je ne me sens pas bien. – C’est peut-être le poivre », ai-je suggéré.
Quelques instants plus tard, il me rejoignit dehors, accompagné d’un collègue, et me fis signe de la main. Je vins à sa rencontre et lui demandai ce qui-n’allait pas. Il me demanda de l’emmener à l’hôpital. Un autre de ses collègues qui était déjà au volant de sa voiture proposa de nous déposer.
En cours de route, il n’arrêtait pas de pomper son « Ventoline » et me demandait de le tapoter entre les épaules : il avait, visiblement, du mal à respirer. Il ne cessait de répéter la « Chahada » qui fut ainsi ses dernières paroles, avant de rendre l’âme. Arrivée au portail de l’hôpital, il perdit connaissance.
J’ai appelé sa sœur mais à peine ai-je coupé la communication que le médecin me dit : « il est décédé d’un arrêt cardiaque ». Je n’en croyais pas mes oreilles. Non pas que mon ami, mon frère Jemal, ne dût pas mourir – c’était un mortel, comme chacun de nous – mais une mort aussi brusque est toujours foudroyante pour les parents et amis. J’ai eu la présence d’esprit d’appeler l’un des DREN qui a aussitôt informé ses collègues et l’administration centrale du ministère.
Informé, le ministre a ordonné la suspension de l’atelier et demandé, à tous les séminaristes, de se rendre à l’hôpital. A la morgue où se déroulait l’ablution funéraire, Ba Ousmane a partagé la douleur des parents et amis de feu Mahmouden ould Mohamed Khairatt. A la mosquée Chorfa, il a prié dans une mosquée qui refusait du monde et participé, au cimetière des PK, à l’enterrement du regretté Jemal.
Mahmouden – Jemal, pour les intimes – était un homme hors du commun. Il était jovial, plaisantin mais respectueux. Il perdit son père à l’âge de seize ans. Aîné de la famille, Il en devint alors le responsable. Instituteur, directeur de l’école Ch’gara de Rosso puis de celle de-la mairie, Jemal se maria à deux reprises mais divorça chaque fois, pour mieux s’occuper des siens.
C’est seulement au troisième mariage avec l’actuelle mère de ses enfants – deux filles et deux garçons – qu’il put enfin « joindre les deux bouts », comme on dit en jargon familial. Admis inspecteur de l’enseignement fondamental, il postule, en 2007, sous « Nebghouha », et réussit, avec brio, à l’IDEN d’Akjoujt, avant d’être promu, cette année, IDEN de Kiffa.
Jemal maitrisait le français et l’arabe, parlait toutes les langues nationales et s’y retrouvait en anglais. Il était ponctuel et assidu au travail mais, aussi, exigeant et intraitable, quand il s’agissait de justice.
A ma connaissance, personne n’a osé dire : « Jemal m’a une fois menti ou m’a fait du tort », chose rare, par les temps qui courent. Il était profondément pieux. Malgré son asthme et ses problèmes cardiaques qu’il traînait depuis quelques années, il assurait ses cinq ablutions et ses cinq prières à la mosquée.
C’était un homme de relation, un homme ouvert d’esprit, qui arrivait toujours à convaincre, sans jamais vexer son interlocuteur. Il était l’ami des enfants, des vieux, des jeunes et même des débiles mentaux (je n’abuse pas car « kebkab », le fou de Rosso, en est une preuve).
C’était vraiment un ami, un frère, un confident mais, aussi, ma référence, en matière de religion. Grâce à lui, j’ai appris beaucoup de choses sur le fiqh, la sira et les hadiths. Ce mercredi noir du 31 décembre 2014, à 15h30, j’ai perdu et, avec moi, la Mauritanie, un homme de valeur. Comme jr fus la dernière personne à le voir, avant qu’i ne rendît l’âme, je témoigne, devant le Tout-Puissant, que ses dernières paroles furent la « Chahada ». N’est-ce-pas là une très bonne fin, pour un musulman ?
Jiddou Hamoud
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