mercredi 26 novembre 2014

Gestion des finances de l’Etat : La hardiesse grandissante des comptables publics

Gestion des finances de l’Etat : La hardiesse grandissante des comptables publics

Après les institutions publiques et l’armée, l’immoralité en matière de gestion des finances de l’Etat gagne de plus en plus les trésoreries régionales. Après le milliard d’UM détourné à Nouadhibou, des fonds auraient disparu également à Aïoun et à Sélibaby.

La série ne semble pas finir et les limiers de l’IGE ont décidé de faire un tour dans les autres régions du pays. Aujourd’hui, la morale publique est fortement menacée et l’argent du contribuable perd de plus en plus sa sacralité.

Alors que les échos sur le détournement d’1 milliard 400 millions d’UM, disparus des caisses du Trésor public à Nouadhibou, ne sont pas encore retombés, que retentissent déjà un autre hallali. Cette fois, la malgouvernance a frappé à l’extrême Sud et à l’extrême Est du pays, respectivement à Sélibaby et à Aïoun.

Des centaines de millions d’UM auraient disparu des caisses du Trésor public dans ces deux régions. Des dizaines de hauts fonctionnaires seraient aujourd’hui interpellés dans le cadre de ces détournements à la chaîne.

Le fait est d’autant plus rare pour être mentionné que les administrations visées sont rarement secouées par de telles malversations. Un autre détournement a été également signalé dans la foulée à la Société mauritanienne d’électricité (Somelec) de Kiffa.

Là, c’est le chef de centre qui a été invité à s’expliquer sur l’utilisation de 124 millions d’UM que les limiers de l’IGE (Inspection générale d’Etat) jugent injustifiés. Selon un ancien administrateur qui a requis l’anonymat, ces malversations financières qui se sont multipliées ces dernières années révèlent à quel point la morale publique a dégringolé.

Selon lui, le sacerdoce du fonctionnaire public formé à la bonne école de l’intelligence et de la probité n’est plus qu’un lointain souvenir. Il trouve que le mal est assez profond aujourd’hui pour qu’un remède lui soit trouvé.

Ce sont en effet, plusieurs générations de Mauritaniens, mal formés dès le départ aux bonnes vertus de la citoyenneté, qui seraient touchés, d’après lui.

Le paradoxe, trouve-t-il en substance, est que l’immoralité dans la gestion publique prend de l’ampleur au moment où l’administration est de plus en plus contrôlée aujourd’hui, par des fonctionnaires ayant suivi des cursus dans des « Mahadras » ou des Instituts islamiques.

Cette nouvelle élite moulée aux dogmes théologiques devait être, selon lui, plus incitée à l’honnêteté et à la probité, conformément aux sources de l’Islam pur qui est à la base de leur formation.

Paradoxalement, juge-t-il, les anciens fonctionnaires issus du cycle scolaire normatif, se sont révélés plus respectueux des normes morales que l’actuelle génération, dont le rapport à l’argent semble exclure toute conscience prohibitive.

Et de se rappeler des deux ou trois détournements qui ont jalonné les dix-huit ans de règne de Feu Mokhtar Ould Daddah. A l’époque, dira-t-il en substance, le geste était jugé si scandaleux que l’un des accusés s’était donné la mort.

Parmi les grandes affaires de détournement qui ont défrayé la chronique ces dernières années, celle qui avait impliqué un ancien Commissaire aux Droits de l’Homme, condamné en première instance à trois ans de prison à l’époque pour un trou de 907.000 dollars U.S et qui sera remis en liberté plus d’un an plus tard.

Il y eut également l’affaire d’un ancien trésorier du Port Autonome de Nouakchott, accusé à l’époque d’avoir détourné environ 2 milliards d’UM, et un ancien directeur des Procapec (caisse d’épargne et de crédit).

S’en suivra l’affaire du colonel comptable de l’armée nationale et d’un jeune homme d’affaires. Aux dernières nouvelles, le comptable serait encore à la prison d’Aleg, alors que le jeune homme, dont d’aucuns disent qu’il est proche du Chef de l’Etat, a été libéré après quelques mois de prison.

Il y eut également le pillage des ressources de l’Uncacem (Crédit agricole) qui connut son pic en 2008. Le gouvernement de Sidi Ould Cheikh Abdallahi lui avait accordé 6 Milliards d’UM dans le cadre du PSI (Plan spécial d’intervention) pour financer la campagne agricole 2008/2009.

L’enveloppe sera portée à 12 milliard d’UM, avec les fonds de recouvrement des créances, l’apport de la Banque mondiale et la subvention publique sur les engrais. De cette enveloppe, seuls 30% auraient été utilisés à bon escient, les 70% restants ayant été détournés, sous formes de prêts à des entreprises fantômes, des organismes fictifs, etc.

Plus grave, les 2 milliards d’UM que le ministère des Finances aurait accordé en janvier 2013 à la MDC (Mauritanian Development Corporation), société écran. Ce montant représenterait à l’époque une avance de 30% sur une commande présumée de 10 petits avions de marque Lancair livrables le 30 décembre 2014. Les Mauritaniens attendent.

A cela il faudrait ajouter des dizaines d’autres affaires scabreuses, les 50 Millions de dollars, don de l’Arabie Saoudite et dont le sort reste méconnu à ce jour, le fameux troc immobilier pour la construction du nouvel aéroport, en passant par les contrats sur la nouvelle centrale électrique à gaz, etc.

Selon les observateurs, la corruption, la gabegie et les détournements de deniers publics pouvaient être combattus tant qu’ils restaient circonscrits au niveau des exécutants, mais aujourd’hui que la gangrène semble embraser toute la superstructure de l’Etat, la tâche devient pratiquement impossible.

Cheikh Aïdara
L'Authentique  

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