Jusqu’aux années 70, l’école 1 d’Aleg était la seule institution scolaire où étaient instruits les enfants des familles les moins réticentes aux apprentissages de la « langue du colon ».
A l’époque, l’arabe n’était qu’une langue facultative. Les deux heures qui lui étaient réservées, l’après midi, ne faisaient pas courir beaucoup de monde.
Soixante-quinze ans après son ouverture officielle, l’école 1 d’Aleg nargue, imperturbablement, le temps, ses intempéries, ses aléas et ses vicissitudes. Imperturbablement mais de moins en moins…
Un prestigieux passé
Lorsqu’en octobre 1939, le gouverneur de l’AOF, en partance pour l’est du pays, supervise son ouverture, c’était à peine une dizaine de bambins craintifs dont l’adhésion des parents avait requis la mobilisation des notables, la notoriété des chefs de tribus et la « rougeur de l’œil » du représentant local de la France. L’école 1, aujourd’hui au centre de la ville, juste derrière l’hôpital régional, était alors loin, au bout de Goueïbina.
Les six premières classes, construites en 1938, sont encore solidement debout. Leurs murs, jaunis par le temps, et leurs toits, pleins d’histoire, sous lesquels plusieurs générations sont passées, témoignent d’une époque où l’école voulait encore dire quelque chose.
Les fiches scolaires, les registres de tenue du matériel, certaines très anciennes correspondances entre les anciens directeurs de l’école et leur tutelle administrative et pédagogique replongent les visiteurs dans un temps où le savoir, ses sanctuaires et ses dépositaires jouissaient encore de grande révérence.
A la rentrée scolaire 72 /73, l’année de mon inscription dans cette école, les livres scolaires de toutes les disciplines, les cahiers de tous les formats, les équerres, règles plates, compas, ardoises, porte-plume, buvards et autres fournitures scolaires remplissaient encore les magasins. La cantine scolaire fonctionnait à plein régime, pour des centaines de pensionnaires totalement pris en charge. Les senteurs des succulents riz et couscous de la gentille et autoritaire Jbaba – Qu’Allah ait son âme !
– embaumaient l’horizon, tous les midis et soirs. Bien que la cantine fût ouverte à tous, les internes provenaient essentiellement des environs d’Aleg : Lemden, Agchorguitt, Azlatt, Zeglane, Moundi, Male… Cependant, les petits citadins ne rataient jamais l’occasion, pendant la recréation, de subtiliser, aux petits bédouins, un bout de pain généralement garni de corned-beef, une viande salée en conserve dont raffolaient les petits écoliers. A l’ouest de l’établissement, une majestueuse construction, édifiée dans le plus pur style colonial : le logement administratif du directeur.
Certainement, l’une des plus belles et imposantes maisons des années 40. Vraiment rien à envier à celle du commandant français de l’époque, érigée sur la «montagnette », un autre nom d’Aleg. Son intérieur, parsemé de carreaux, ses toilettes à baignoire et ses vastes salles témoignaient du prestige dont jouissaient les instituteurs de ces années-là.
Les anciens élèves du début et de la fin des années 70 retiennent encore leur nom : feu Sall Khalidou, le député Sy Samba, messieurs Ndiouk et Sylla (ancien journaliste à Radio Mauritanie), feus messieurs Sarr Idrissa dit Aramango, Mohamed Derdèche, Ely Ould Breïhalla et bien d’autres encore.
Un présent lamentable
2013. Dans l’enceinte de la cour, rocailleuse, les tuyaux rouillés d’un robinet mènent un combat inégal avec le temps, à côté de quelques plants, épars, qui tiennent lieu de jardin scolaire. Dans certaines classes, on peut encore lire, sur les murs, les vestiges, à peine lisibles, de quelques-uns des célèbres instituteurs de l’école.
Aujourd’hui, l’école 1 compte huit classes. Mais, si les murs restent debout, comme je l’ai dit tantôt, l’ensemble tombe en complète décrépitude : les plafonds menacent de s’écrouler, la plupart des portes et fenêtres ont disparu, les tableaux noirs sont tant délabrés que l’écriture du plus appliqué des instituteurs ressemblerait à des hiéroglyphes. Sans eau ni électricité, la plus prestigieuse de la dizaine d’écoles de la ville ressemble à un établissement de brousse.
S’élevant contre cette déchéance, le bureau de l’association des parents d’élèves de l’école 1 entend mobiliser les anciens élèves et toutes les autres bonnes volontés, afin de réhabiliter les lieux : réfection des classes, dotation en chaises et bureaux pour le directeur et les instituteurs, réouverture de la bibliothèque, suivi et entretien du jardin scolaire, réinstallation de l’eau et de l’électricité, etc.
Pour que l’école 1, lieu de tant de souvenirs, vivier d’où sortirent tant de cadres, dont le premier Président démocratiquement élu de la République, Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, redevienne ce qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être : une forteresse de savoir où se forment et se construisent les générations d’aujourd’hui, futurs bâtisseurs de demain.
Sneïba El Kory
Les directeurs de l’école 1 d’Aleg, de 1939 à nos jours
Certains sont, bien évidemment, des étrangers.
1. Diouf Ismaïla
2. Omar Hamet
3. Guèye Amadou Moustapha
4. Monsieur Leguinek
5. Monsieur Tefahi
6. Mohamed Vall Ould Bennany
7. Bababcar Fall
8. Ben Amar (Ahmed) 9. Mohamed Ould Babacar
10. Cheikh Ould Haïbelty
11. Bâ Amadou Chouaïbou
12. Mohamed Derdech
13. Isselmou Ould Oudaâ (père de l’actuel ADG de la SNIM)
14. Cheïbetta Ould Oudaâ
15. Mohamed Moustapha Ould Cheikh Mouhamedou
16. Ethmane Ould Baba Ould Saïd (actuel directeur).
Quelques prestigieux anciens élèves
1. Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi (ancien président de la République)
2. Bacar Ould Ahmedou (ancien fonctionnaire international, ancien député)
3. Ismaïl Ould Amar (ancien ADG de la SNIM)
4. Isselmou Ould Tajeddine (PDG de la BCI)
5. Dah Ould Abdi (ancien ministre des Affaires étrangères)
6. Khadjettou Mint Boubou (ancien ministre)
7. Sidi Ould Jaber (un des premiers docteurs en mathématiques du pays)
Source : Le Calame (Mauritanie)
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