vendredi 20 juillet 2012

Clin d’œil : Tidjikja et la Culture.

La commune de Tidjikja est en passe de réussir un beau pari : pérenniser un grand festival culturel. Le secret de ce succès, je vous le livre : c’est l’indépendance. A Tidjikja ils sont restés libres de leurs choix, libres de leurs thèmes, libres de s’organiser comme ils veulent, ils n’ont dépendu ni de l’administration nationale ou locale, ni de l’assistance financière du Ministère de la culture ou des organisations internationales avec lesquels celui-ci travaille. Le Festival de Tidijkja avait donc un thème, une personnalité, il répondait à une vocation et à une ambition, c’était un vrai festival, pas une mauvaise kermesse, comme Ouadane ou demain, si l’on n’y prend garde, Tichitt. Il est tout de même surprenant de voir qu’à l’heure où la Culture bénéficie d’un appui très important de l’Etat, elle reste toute rabougrie, toute chétive et très fortement atteinte de la maladie chronique de beaucoup d’institutions nationales : l’imbécillité. Souvenez-vous de cette belle idée que fut l’organisation d’un Festival annuel dans les villes anciennes du pays ! Nous avons eu droit à Ouadane surtout à une comédie des plus pitoyables. Des milliers de gens venus non pour le festival mais pour voir le Président de la République. L’arrivée de celui-ci, destinée à bien marquer l’intérêt qu’il accorde à notre patrimoine, a été détournée de son sens par l’arrivisme. Et la culture nationale a été trainée dans la boue par l’ignorance ! Des centaines de tentes ont été dressées où trainaient des milliers d’articles se ressemblant et qui n’étaient fréquentés que par leurs propriétaires ou par le vent. Des soirées artistiques où le rap le plus vulgaire coexistait avec la musique traditionnelle la plus platement interprétée, une absence criante de thème, de vision. Bien sûr il y avait bien des stands fort intéressants comme celui des tisseuses, ou celui des livres et manuscrits, mais tous ceux là avaient plié bagage, juste après le départ du Chef de l’Etat. Nous avons eu également droit à des festivals régionaux, diligentés par les autorités locales comme au bon vieux temps du PPM. Les wali et les préfets étaient donc dans nos régions, les grands opérateurs du champ culturel, avec l’appui, toujours fort intéressé des apparatchiks du Ministère. A l’heure donc où dans la vie politique on est à l’ouverture, les sirènes du monolithisme sonnent du côté où on devrait s’y attendre le moins: la Culture. Mais la question n’est pas seulement celle de la bonne ou mauvaise prestation du Ministère de la Culture, de la Commune de Tidjikja ou de tout autre appareil de l’Etat, la question est celle de l’image même que nous donnons du pays. Qu’avons-nous donc à offrir aux autres sinon notre patrimoine culturel, sinon nos arts anciens, sinon nos sensibilités et notre intelligence? Déjà racornie par des médias publics où règne encore l’obscurantisme médiatique, notre image extérieure ne peut être que fatalement compromise par de fausses opérations culturelles où notre moi national se voit clairement tordre le cou par les habitudes passéistes et les incompétences. Tidijikja a été un exemple ; et elle donne une leçon : laissons les communes, les associations culturelles, les personnalités de l’art s’occuper de la chose culturelle, aidons les, soutenons les, éloignons d’eux les démons de la dictature de la pensée, et l’incompétence des administrations publiques. Ils s’en porteront fort bien… et le pays aussi. www.cridem.org Source : RMI Biladi (Mauritanie)

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