mardi 27 mars 2012

Journée nationale de la réconciliation : L’accueil s’est transformé en foire aux disputes.




Le chef de l’état a effectué le 25 mars passé un déplacement de quelques heures à Rosso pour y présider une cérémonie de clôture de l'opération qui a permis le rapatriement de plus de 20 000 réfugiés au Sénégal. Cela en présence d’un invité de marque, M. Antonio Gutierrez, Haut-commissaire des Nations Unies pour les réfugiés.

Mais la fête n’était pas au rendez-vous. Le président de la république en a entendu plein les oreilles, de récriminations et de revendications sociales en tout genre sous l’œil médusé du patron du HCR venu de Genève. Et également des membres du gouvernement et autres invités de marque à l’évènement du jour. Comment un évènement pareil a-t-il pu s’organiser dans une confusion totale ?

Il faut dire que l’esprit est faussé dès le départ. A chaque fois que le chef de l’Etat se déplace, Nouakchott se vide d’une partie de la population pour jeter sur les routes, hommes politiques, hauts fonctionnaires de l’Etat, cadres supérieurs, moyens et même subalternes.

Pas tous en général, mais la majorité excelle dans cet exercice. Et Rosso n’a pas faillit à la règle surtout que la distance à parcourir n’est pas longue malgré le mauvais état du goudron. Une dégradation avancée que le ministre de l’équipement et des transports a déjà constaté. Pour l’occasion, c’est tout un monde ressortissant ou non de la wilaya du Trarza qui a déferlé sur la ville.

Point de convergence, le site de la cérémonie, non loin de l’Institut Supérieur d’Enseignement Technique (ISET) de Rosso, où une tribune avait été implantée pour accueillir le président de la république et ses nombreux invités. A côté sous des tentes dressées et équipées de chaises se tenaient assis des réfugiés (hommes et femmes) revenus la veille et accueillis par le HCR, l’ANAIR, la Coordination nationale des déportés que préside M. NDiaye Amadou.

Signalons que l’ancien ambassadeur du Sénégal en Mauritanie, M. Mouhamadou Cheikh Kane qui occupe un nouveau poste au ministère des affaires étrangères du Sénégal était présent à la manifestation. C’est dans une pagaille généralisée qu’est arrivé sur les lieux, en fin de matinée presque, Mohamed Ould Abdel Aziz. Il n’a pas été facile de lui frayer un passage pour rejoindre la tribune officielle.

Car quelques instants avant son arrivée, la sécurité chargée de maintenir l’ordre et la discipline en ces lieux, visiblement dépassée, avait tout simplement jeté l’éponge, laissant la voie ouverte au débordement. Ainsi les accueillants munis de leurs banderoles ont pris d’assaut les barrières de sécurité pour se rapprocher de la tribune. Du jamais vu !

Fait curieux : la garde présidentielle était absente alors que habituellement de tels endroits bénéficiaient de leur présence pour tenir en respect et à distance la foule. Chose somme toute normale pour une sécurité digne de ce nom. Pas même les nombreux journalistes déplacés pour la couverture de l’évènement, n’ont pu travailler correctement. Gênés qu’ils étaient, en même temps que les officiels installés à la tribune, par le vacarme assourdissant de haut-parleurs des jeunes du Trarza, qui tenaient coûte que coûte à être entendu par le président de la république.

Leur message était clair : que le président de la république comprenne que les vrais fils du terroir sont tenus à l’écart pour ne pas lui parler de leurs problèmes ; que ceux qui s’adressent à lui pour faire ses éloges ne sont pas du Trarza.

En fait ils ne viennent de nulle part. A côté d’eux, d’autres jeunes de l’UPR thuriféraires du président de la république, perchés sur la pelle d’un engin lourd, s’égosillaient à faire les éloges du raïs, histoire de répliquer à plein poumon aux jeunes rossossois qui revendiquent être les fils authentiques du terroir. En fait les deux camps rivalisaient d’ardeur pour s’empêcher mutuellement d’être entendu par le président de la république.

Triste réalité ! Mais Ould Abdel Aziz n’était pas au bout de sa déception, lui qui avait fait le déplacement pour marquer le clou de la fin de l’opération de rapatriement des réfugiés au Sénégal et célébrer par la même occasion, la journée nationale de réconciliation.

C’est au milieu de cette cacophonie ambiante, que s’est ouverte la cérémonie marquée par différentes interventions. En premier, c’est le maire de Rosso qui a ouvert le bal des discours. A sa suite, l’ancien président de Covire, M. Sy Abou Bocar est invité à prendre la parole. Mais l’homme n’y parvient pas. Le nouveau président de l’organisation, M. Kane Mamadou El Housseïn accompagné d’une forte délégation de membres du nouveau bureau, s’opposent à sa prise de parole. Une scène qui s’est déroulée sous l’œil embarrassé du président de la république et des nombreux invités installés à la tribune.

Il ne restait plus à l’ancien président de Covire qu’à quitter les lieux. Pour le haut commissaire des Nations unies pour les réfugiés (HCR), António Guterres, cette opération de rapatriement est une réussite : « Le rapatriement est un succès et 24 000 Mauritaniens sont rentrés chez eux, en sécurité et dignité. L'étape la plus importante, c'est le développement économique des régions où ces réfugiés s'insèrent. Et ça, c'est tout le défi de la Mauritanie qui mérite l'appui et l'engagement de la communauté internationale ».

Le ministre de l’intérieur, Mohamed Ould Boïlil prenait rappeler l’historique de ce processus avant de faire le bilan du processus de rapatriement. De ce discours, on retiendra que depuis le premier convoi en 2008, 5 700 familles réfugiées au Sénégal, sont rentrées au pays. Le dernier contingent de rapatriés mauritaniens du Sénégal est composé de 297 personnes réparties sur 59 familles. Ce contingent, avait été accompagné par l'amiral Samba Fall, chef d'état- major spécial de la présidence de la république du Sénégal. Il a été accueilli par les autorités administratives de la ville de Rosso.

Le contingent a été conduit sur des sites d'accueil provisoires, où les familles doivent remplir les formalités d'inscription et recevoir leurs pièces d'état civil avant d'être acheminées vers leurs lieux de résidence définitifs à travers plusieurs régions. Quant au président de la république qui succédait à son ministre de l’intérieur à la prise de parole, il a dit en substance que « cet événement constitue une fin heureuse d'une épreuve qui a failli ébranler la cohésion nationale ».

Bien que le processus de rapatriement a été clos à Rosso, il n’en reste pas moins que beaucoup de choses restent à faire. Certes que les tambours ont célébré le retour du dernier contingent de rapatriés, mais leurs réinsertions demeurent encore énigmatiques. Selon Ibrahima Mamadou Ndiaye, président de l'Union nationale des rapatriés mauritaniens du Sénégal (UNRMS) que nous avons rencontré : « La revendication primordiale, c'est d'abord les terres spoliées en 1989 ».

Ils veulent que les terres spoliées soient rendues à leurs propriétaires d’origine. A l’en croire, les trois mille hectares mis à disposition par l’Etat au profit des revenants, sont insuffisants par rapport à ce que possédaient ces rapatriés ». Il souligne par ailleurs qu'il reste des gens à rapatrier : « Tout le monde n'est pas rentré. Il y a ceux qui restent au Sénégal et qui ont manifesté leur désir de rentrer et qu'ils ne sont pas rentrés. Il y a encore des milliers qui sont restés là-bas. Il y a nos confrères du Mali qui veulent rentrer et je ne sais pas quel est leur sort ? ».

En effet, la question des Mauritaniens réfugiés au Mali reste en effet en suspens. Concernant l'aménagement des terres agricoles, le président Ould Abdel Aziz a promis de renforcer les efforts entrepris par l'Etat. «Je réitère notre détermination à aller de l'avant dans le règlement de toutes les séquelles du passif humanitaire », a-t-il conclu.

Reportage, Moussa Diop



Coulisses de la visite présidentielles


Quand le protocole de la présidence s’en mêle


Kane Mamadou El Housseïnou le président de Covire s’est vu empêché d’accéder au site par le service du protocole, selon ses propos. Mais la mesure n’a pas duré puisque quelques instants après, il apparaissait avec son staff, ovationné par les victimes venues nombreuses avec leurs banderoles.

Quand l’ancien président de Covire s’enrhume, les journalistes éternuent

Information utile à savoir, le reporter du Quotidien de Nouakchott a essuyé les insultes de M. Sy Abou Bocar qui l’a menacé, si jamais il le prenait en photo. Des écarts de langage indécents et peu digne d’un « responsable » qui revendique la légitimité d’une organisation dont les rennes lui échappent. Ces propos ont indigné l’assistance mais n’impressionnent nullement le journal. Toutefois nous gardons l’enregistrement à toute fin utile.

Grosse fausse note dans l’accueil du président de la république !


Les visites du président se suivent mais ne se ressemblent pas. Celle de Rosso aura montré toutes les limites de l’organisation et les déboires vécus par les personnes présentes y compris le président de la République lui-même. Le protocole était débordé et parfois, l’on a du frayer un chemin pour le président afin qu’il accède à la tribune officielle. Ne parlons même pas des dérapages lors des discours où les intervenants mauritaniens et sénégalais, noyés par les foules, s’arrachaient les cheveux pour se faire entendre, sans grand succès.

Une cacophonie indescriptible a marqué cette visite dont le moins que l’on puisse dire est qu’elle était un fiasco organisationnel. Pourtant, outre les hommes déployés pour la sécurité du président, plusieurs sociétés de sécurité privée (GESS, MGS, CSP, AlBarakat) étaient mises à contribution pour parer aux questions sécuritaires. Elles n’y seront pas parvenues. Si le manque d’expérience y est pour quelque chose, pour ces entreprises nouvellement agréées, le manque de savoir faire et la présence parmi les dirigeants de ces entreprises d’anciens officiers indexés dans le passif humanitaire constituent une fausse note dans la visite que le président voulait comme la fin d’une époque d’injustice et d’impunité dans le pays.

M.D
www.cridem.org


Source :
Le Quotidien de Nouakchott

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