mercredi 14 avril 2010

Brakna: Le département de M’Bagne oublié du pouvoir d’Ould Abdel Aziz



Le département de M’Bagne, un des plus pauvres de la wilaya du Brakna, même s’il ne figure pas dans ce qu’on appelle, pudiquement, le «triangle de la pauvreté», est, aussi, l’un des plus peuplés: à la fin des années 70, il comptait près de 27 habitants au km2. C’est le parent pauvre du pouvoir de Mohamed Ould Abdel Aziz, bien que les populations aient voté, massivement, pour le tombeur du président Sidi Ould Cheikh Abdallahi – un autre qui les avait également oubliées. Les cadres locaux, qui ont tant mouillé leur maillot pour légitimer l’homme de la Rectification, se demandent pourquoi leur département continue à être ainsi marginalisé. «Qu’avons-nous fait, au pouvoir ; pour subir un tel sort?», s’interroge, désabusé, l’un d’entre eux.
Pourtant, le département a le plus voté Ould Abdel Aziz, sinon autant que les autres de la vallée du fleuve Sénégal et qui ont, eux, réussi à décrocher des portefeuilles ministériels ou des directions d’importants établissements publics. Pourtant, M’Bagne ne manque pas de cadres de haut niveau mais ils continuent à ronger leur frein. Certains ont dépensé, sans compter, pour accueillir et faire élire le candidat rectificateur. Maigre consolation, la part du département, au gâteau national, se réduit à un ambassadeur au Japon, deux directeurs d’établissements publics, un président de conseil d’administration et un wali. Une portion bien trop congrue!
Les populations, «embrigadées» pour voter Abdel Aziz, nourrissaient un immense espoir, en écoutant le discours du candidat des pauvres; elles ont cru aux engagements pris lors de ses passages dans le département et au cours desquels il s’était engagé, une fois élu, à changer les choses. Aujourd’hui, presque 9 mois après son élection, ces populations ne voient toujours rien venir; pis, leurs conditions de vie se dégradent davantage.
Aucun ministre, aucun secrétaire d’Etat, aucun secrétaire général de ministère, alors que le département de Boghé détient, à lui seul, trois chefs d’états-majors, les plus importants de la République, et un secrétariat général d’un ministère de souveraineté. Le département de Bababé vient d’obtenir, récemment, un chargé de mission à la Présidence. Le Gorgol bénéficie des plus grands égards du raïs: quatre ministères, Sénat, Cour suprême, Cour des comptes, Commission centrale des marchés, Commission des droits de l’Homme et d’autres postes tout aussi juteux.
Face à cette situation, les jeunes cadres du département se demandent à qui la faute. Pour certains, elle incombe, en premier lieu, aux hauts cadres et élus du département, incapables de s’entendre et de mener un plaidoyer pour les populations. Du point de vue de ces contestataires, les quelques rares cadres qui ont eu la chance de se remplir les poches, sous Ould Taya, n’étaient mûs que par des intérêts égoïstes, incapables qu’ils étaient de s’entendre sur l’essentiel. Pour «percer», chacun s’était constitué sa «cour» caractérisée par l’arrogance et la délation. Conséquence : il n’y a aucune structure départementale susceptible d’organiser la concertation sur les questions du département. Maintes tentatives ont été, systématiquement, torpillées par les querelles de tendances politiques. Du coup, la dense diaspora du département, après avoir mobilisé d’importants montants pour développer celui-ci, a fini par faire machine arrière.


L’entrée en scène du général Négri

L’entrée en scène du général Félix Négri, qui a des attaches dans le village de Dawale, à quelques encablures de M’Bagne, avait suscité quelques espoirs des populations meurtries, espérant voir la scène départementale pacifiée. Pour ces oubliés, l’homme étoilé allait pousser les cadres à plus d’union, à plus de concertations. Son souci était, à en croire ses proches, d’arrimer tous ceux avaient voté Ould Abdel Aziz au bateau UPR. Une tâche désormais difficile, face à la marginalisation du département. Selon certaines sources, un ancien ministre du département, aujourd’hui fortement honni par les généraux, aurait entrepris de torpiller les efforts du général Négri, en vendant la mèche, à la veille, dit-on, d’importantes promotions de cadres du département, parce que, tout simplement, ses proches n’y figuraient pas. L’information est passée sur le Net, ce qui n’aurait pas plu au plus haut niveau. Toujours est-il que le département attend… Dès lors, que peut faire le général, face à des cadres amorphes et élus égoïstes, incapables de s’entendre? Même le préfet de du département s’est employé à amener les cadres du département à unir leurs efforts pour sortir leur terroir de sa torpeur. En vain.
Plus grave. Les élus n’assistent, même pas, aux réunions du Comité Régional de Développement (CRD) que président les walis, en vue de partager et d’orienter les investissements de l’Etat dans les régions, départements et communes. Dès lors, comment peuvent-ils défendre les intérêts de leurs circonscriptions? Comment de tels élus et autres cadres peuvent-ils remonter et plaider les préoccupations des populations, au sommet du pouvoir? Deux simples anecdotes suffiront pour éclairer votre lanterne, chers lecteurs. Informés d’incidents ayant opposé, en 2009, le hakem et dix chefs de village – problèmes d’état-civil, encore et toujours – aucun élu du département n’a entrepris une quelconque démarche pour comprendre de quoi il s’agissait, exactement, afin d’aider les populations dont les dossiers restent bloqués par l’administration. Un de nos deux parlementaires tient fermé son téléphone, pour éviter les appels du président du comité de suivi des populations de Houndal à qui l’on a refusé le retour d’un exil de 21 ans au Sénégal. Pour rappel, 28 familles de la localité sont bloquées au Sénégal, parce que, tout simplement, elles exigent, une fois rapatriées, d’être réinstallées sur leurs terres cultivables, attribuées, illégalement, à un officier de l’armée, par un ancien wali.
Comment un tel élu peut-il plaider pour le désenclavement du village de M’Bagne ou pour son électrification? Comment peut-il défendre les populations, face à des tracasseries policières et administratives? Les populations du département se sentent abandonnées à elles mêmes ; elles vivent comme en marge de la République. Aucun projet viable n’existe, dans cette partie du pays. Les trois périmètres rizicoles de Winding et de Sorimalé, abandonnés en jachère, depuis le début des années 80, attendent, toujours, leur réhabilitation. A l’heure où la crise alimentaire menace les populations, ils constituent, pourtant, un gage pour la sécurité alimentaire. Dans le département, la plupart des villages se sont dotés en forage ou en établissements scolaires, grâce à leurs ressortissants qui continuent à se cotiser et à démarcher les ONGs, afin d’obtenir d’autres infrastructures de base. En dépit de ce sombre tableau et de leur bilan catastrophique, les cadres ne se gênent pas à descendre sur le terrain pour inciter, voire forcer, les populations dont ils ne se souviennent qu’en pareilles circonstances, à adhérer à l’UPR. Et vous croyez, vraiment, que cela va marcher longtemps, cette entourloupe?
DL

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