mardi 19 février 2013

Enfin, une zone franche.

Depuis quelques années, on assiste à une polarisation de plus en plus accentuée de la scène politique Mauritanienne. Les partisans du pouvoir clament, haut et fort, que les voyants du tableau de bord du pays sont tous au vert. Dans l’autre camp, celui des oppositions, on considère que les premiers sont tout simplement daltoniens. Ils estiment, à des degrés divers, selon qu’on appartienne à l’une ou l’autre des oppositions, que le pays est dans une situation inquiétante ou chaotique. De façon objective, la réalité est, sans doute, à chercher entre ces deux extrêmes. Il est évident que nous ne sommes ni au paradis, ni en enfer. Il est amer de constater qu’aucun espoir de rapprochement entre des différentes composantes du puzzle constitué par les acteurs politiques, ne pointait à l’horizon. Cependant, une lueur d’espoir peut être perçue à travers la toute récente création de la zone franche (ZF). Ce qualificatif, devenu exception et vertu rare dans notre cher pays, augure, à lui seul, d’un début de changement significatif et constructif. Dans la ZF, les responsables et politiciens seraient tenus de nous donner les vrais chiffres pour les premiers, et les seconds n’auront d’autres choix que de nous dévoiler la réalité de leur pensée et démasquer leurs arrière-pensées. Quant aux projets de société, grâce à l’obligation de franchise, ils se rendraient compte qu’ils ont le même. Autant dire, aucun. Dans la ZF, le rouge serait rouge, et le vert tel quel. Dans la ZF, on pourra délocaliser notre TVM qui saura respecter le genre, malgré son ambiguïté dans notre univers d’amalgames mondialisés. Elle saura, par exemple, et franchement, que le féminin de Burkinabé n’est pas Burkinabaise. Elle saura qu’un carambolage est à plus significatif, en terme de priorité, que la réunion du Ministre x avec le Monsieur y, et qu’un tour d’un Ministre au sein des services relevant de lui n’est pas un évènement. Aussi, elle prendra l’habitude, et ce ne sera pas chose aisée, de ne pas nous présenter, à la une, l’ouverture/ clôture d’un séminaire sur l’allaitement, comme un Scoop à la Wikileaks. Elle perdra, notre aimée TVM, la fâcheuse habitude de parler des notables dans un État de droit. En exclusivité, la ZF, sera le lieu où nous veillerons à organiser toutes les cérémonies de prestation de serment. Ainsi nous assurerons qu’en posant une main sur le livre saint, et en levant l’autre, le nouvel assermenté pense, franchement, aux conséquences du parjure. Dans la ZF, nous pourrions avoir des instances juridiques franches. On permettrait ainsi à tout citoyen, de pouvoir frapper à la porte d’un greffier pour recouvrir facilement ses droits auprès du juge. Les recours seraient ainsi garantis à tous les mauritaniens. Dans la ZF, il nous serait plus facile de nous dire, avec toute franchise, la vérité sur le passif humanitaire. Nous ferions, ensemble, à notre manière, une vérité/réconciliation. Nous pourrions aussi en profiter pour parler, pourquoi pas, de l’esclavage. Il n y aurait pas de sujet tabou en ZF. Dans la ZF, les choses seraient sérieuses. Par exemple, les responsables, y compris les missions du FMI et de la World Bank ne pourront nous présenter des situations mirobolantes, pour nous faire imaginer que nous appartenions au G20. Ils seraient tenus, en ZF, de nous expliquer ce qui, vraiment, marche à merveille, ce qui l’est moins, ainsi que ce qui ne va pas du tout. Comme ça, nous saurons, enfin, où est ce que nous en sommes réellement. Est-ce que nous sommes toujours PPTE (pays pauvre très endetté), statut que nous avions considéré comme un exploit économique, comparable à celui des pays émergents ? Est-ce que nous avons évolué vers un statut de PPE (pays pauvre endetté), ou celui, moins contraignant en raison du non endettement de PP (pays pauvre) tout simplement. Plus encore que ce que vous pouvez imaginer, la ZF peut être utilisée comme laboratoire pour améliorer notre démocratie. Ce phénomène étranger à nos valeurs, que l’occident nous a imposé, comme condition nécessaire, mais pas suffisante, pour continuer à nous aider. La preuve de la nécessité de bien adapter ce concept, est tout simplement le fait que nous le qualifiions de processus depuis près de trois décennies. Pour cette adaptation, nous pourrions, par exemple, organiser des élections sur modèle réduit. Les résultats de cette modélisation pourront être capitalisés, ultérieurement, à l’échelle du pays. Grâce au modèle réduit, nous aurions appris comment, ensemble, et dans toute notre diversité, préparer, organiser et conduire des élections quelconques. Nous nous accorderons, par consensus, que nous sommes nos propres observateurs nationaux et internationaux. Ainsi, nous aurons consacré l’une de nos valeurs ancestrales : le consensus sorti de la tente ou l’arbre des palabres. Notre pacte de nation aura été scellé. Nous aurions appris, et c’est une évolution/révolution à accepter les résultats des élections. Ainsi, le perdant se résignera à la séparation du pouvoir (le quitter). Le malheureux élu (la tâche est titanesque), s’accommodera de la séparation effective et réelle des pouvoirs. En ZF, on n’aura d’autres choix, que de mettre la personne qu’il faut à la place qu’il faut. La raison en est simple. L’obligation de résultat l’exige. Que tous soient de la même tribu, de la même région, de la même ethnie, importe peu. Ce qui est indispensable, est qu’ils soient compétents, intègres, motivés et justes. Notre souci d’obtenir un label de qualité l’exige, et notre souci de généraliser cette expérience inédite (et imaginaire pour l’instant), le nécessite. L’idée de zone franche est bonne. Son impact dépendra de l’usage qui en sera fait, et de la dynamique qu’elle pourra susciter. La nomination de Mr Smail à la tête de la présidence de son autorité est rassurante. En bon mathématicien, il a su gérer l’infiniment petit (gazra). Maintenant il a besoin de tout son talent pour réussir l’infiniment complexe. Loin de moi donc toute velléité de la caricaturer. C’est tout simplement par souci d’exprimer que le pays tout entier, a grandement besoin de franchise. Pour ce faire, il faut que tous se parlent et de façon sereine. L’avenir de notre chère patrie en dépend. Feu Mokhtar Ould Daddah avait dit : « la Mauritanie sera ce qu’en fera sa jeunesse » Feu Habib Ould Mahfoudh prédisait : « la Mauritanie sera ce qu’en feront ses femmes » Sans avoir la prétention de vouloir être cité avec le père de la nation, cet homme d’État hors pair, ni avec cet intellectuel brillantissime, je me permets de dire que la Mauritanie sera ce que nous en feront tous, ou ne sera pas.
Source : Debellahi
Cridem