mercredi 6 octobre 2010

Brakna: Au-delà des rapports



L’inspection Générale d’Etat dépêche, depuis quelques semaines, des missions d’inspection dans certaines wilayas du pays. Une heureuse initiative, d’où qu’elle vienne, parce que la gabegie, la malversation et la dilapidation, organisée, des deniers publics ne se limitent pas, seulement, aux confins de Nouakchott. Elles prolifèrent partout, dans une complicité déconcertante, et prennent des proportions qui anéantissent tous les efforts de développement que les différents systèmes qui se sont succédé, des indépendances à nos jours, entreprennent au profit des régions du pays. En cela et sans exception aucune, les walis, petits roitelets à l’allure et aux comportements coloniaux, ravissent la vedette à tous, en matière de complicité et de bénédiction de ce laisser-aller délibérément permis, voire cautionné, pour des raisons très douteuses. Sinon et alors que, depuis vingt ans, les Fonds Régionaux de Développement (les fameux FRD) sont régulièrement perçus par les mairies, comment expliquer que de grandes villes manquent d’écoles, ne disposent que d’un seul petit hôpital régional, souvent délabré, boivent une eau insalubre, source de multiples maladies, et pataugent dans une pauvreté honteuse? Le sort des FRD ressemble, à s’y méprendre, à celui des budgets régionaux de fonctionnement, affectés aux chefs des services régionaux de l’Education, de la Santé et autres. Des notifications budgétaires de fiches de plusieurs dizaines de millions d’ouguiyas, qui ne servent, finalement, à rien, sauf à enrichir, indûment, des fonctionnaires véreux. En cela, la responsabilité des walis et des hakems est engagée car ils représentent, dans leur wilaya et moughataa respectives, l’autorité, la vision et la politique du président de la République. Fermer les yeux, sur les agissements nocifs, afin de faciliter le mauvais usage d’un argent public, dont l’obtention devient de plus en plus aléatoire, constitue une haute trahison et un motif suffisamment valable de disgrâce.
Une des missions de l’Inspection Générale d’Etat a visité le Brakna. Les inspecteurs ont, semble t-il, contrôlé certains services régionaux. Déjà, leur arrivée, inopinée, a suscité grand vacarme. Le résultat de leur rapport, très attendu par les populations, devrait inciter tous les responsables régionaux à se conformer aux normes de bonne gouvernance et d’irréprochable gestion. La mission devrait, par exemple, apporter des éclaircissements sur les modalités de vente opérée, il y a quelques semaines, d’un cheptel de 180 têtes de chameaux, appartenant à l’état-major de l’Armée nationale. Normalement, tous les citoyens intéressés devaient avoir le droit de postuler à l’achat, suivant une procédure transparente qui égalise les chances entre les uns et les autres. Mais que la liquidation de ce cheptel relativement important ait été confiée à un homme n’ayant, a priori, aucun rapport avec l’armée, ni avec les services de la Trésorerie régionale relevant du Ministère des Finances, porte, tout simplement, à suspicion et invite à toutes sortes de supputations.
En tout cas, dans toutes les structures sanitaires du Brakna, les soins ne sont pas gratuits; les ambulances, aux frais du malade; les fournitures scolaires, à ceux des parents d’élèves; les établissements d’enseignement, délabrés, seulement réhabilités par les associations des parents d’élèves ou les organismes et partenaires au développement; les feux de brousse, les braconniers, les vols de bétail, banals; bref, les populations pratiquement livrées à elles-mêmes, alors que tous les ministères ont des représentations régionales qui perçoivent, chaque année, des financements destinés, théoriquement en totalité, à la promotion des citoyens. La dernière visite de la mission de l’IGE n’aura de valeur que lorsqu’au-delà des rapports, les responsables de fautes de gestion – c'est-à-dire, pour parler en termes moins apaisés et moins administratifs, les voleurs de biens publics – répondront de leurs ignobles actes. Au Brakna, justement, cette hypothèse ne devrait poser aucun problème, avec l’approche de la fin des travaux de la vaste prison d’Aleg…
Sneiba Elkory