mercredi 5 juin 2013

Aleg : La bataille des clans est déjà engagée

De toutes les capitales régionales, Aleg, ville du sud-ouest de la Mauritanie, située sur la route de l’Espoir, entre Boutilimit et Kiffa, est la moins développée. Sa renommée récente est d’avoir été choisie par le pouvoir du président Mohamed Ould Abdel Aziz pour être le lieu d’implantation de ce qui sera la plus grande prison du pays ! Une « réalisation » qui éclipse toutes les autres raisons d’être d’une ville dont le nom est pourtant attachée au congrès fondateur de la future République islamique de Mauritanie (1958), à une pléthore de cadres de localités dépendant de ce département (Sidi Ould Cheikh Abdallahi, ancien ministre de Moctar et président de mars 2007 à août 2008, Maarouf Ould Cheikh Abdallahi, ancien ministre, Ismaël Ould Amar, premier directeur général de la SNIM et tant d’autres). Ville « politique » par excellence donc, Aleg est en train de renouer avec les vieilles querelles de leaderships. Celles qui, au début de la « démogâchis » de Taya mettaient aux prises divers clans : Sid’El Moctar Ould Cheikh Abdallahi, cadre à la BCM, ancien commissaire adjoint au Commissariat aux droits de l’homme, à la lutte contre la pauvreté et à l’insertion (CDHLCPI) jouait souvent sa partition contre Mohamed Mahmoud Ould Aghrabat, ancien banquier et ancien maire de Nouakchott. Le clan maraboutique des Ehel Cheikh El Ghadi, moins politisé que les autres, comptait pourtant sur le soutien indéfectible de ses adeptes, dont le fer de lance étaient Sidi Ould Yowma, ancien député, et Mohamed Ould Diahloul, actuel fédéral de l’UPR au Brakna et sur une alliance avec la famille émirale des Ehel Ahmedou de Tintane. D’autres clans politiques (Les Ehel Abdi de l’ancien ministre des Affaires étrangères Dah Ould Abdi, d’Ehel Haïbilti, qui assurait la chefferie traditionnelle d’une fraction des Ideïdjba, des Ehel Oudaa, dont est issu le chef général de la tribu, et des Ehel Abdel Kader, dont la fraction avait l’avantage d’être aussi bien implantée à Boghé et à Boudida, régulait, de temps à autre, et suivant les circonstances, le jeu politique à Aleg. Actuellement, la donne a considérablement changé. Tant dans la configuration tribale qu’entre celles qui donnait les équilibres entre les soutiens du pouvoir et de l’opposition. La bataille d’Aleg, en ces jours, oppose, pour l’instant, le clan de l’actuel ADG de la SNIM, Mohamed Abdallahi Ould Oudaa, à celui de Sidamine Ould Ahmed Challa, ancien ambassadeur de Mauritanie au Mali, résolument rangé aujourd’hui dans le camp de l’opposition. Les prochaines élections devraient donc être une lutte épique entre deux jeunes loups de la politique qui tentent de surclasser les « anciens » qui sont loin d’avoir jeté l’éponge. D’ailleurs, la rencontre de vendredi dernier à Aleg de ceux qui se réclament comme les « gens de la ville » (parce que l’on pense qu’Aleg a toujours été dirigé à partir de Lemden, Beled Teyeb ou Aghchorguitt) est une tentative pour casser cette dynamique de confrontation entre chefferies traditionnelles. Se réclamant de l’Union pour la République (UPR), parti au pouvoir en Mauritanie, mais surtout comme « autochtones » de la ville d’Aleg, ces jeunes viennent de lancer une coordination dite « Espoir de Dechra ». Habituellement, ces jeunes, sans emplois pour la plupart, ou cadres à la recherche de promotion, roulaient pour le compte des chefs des clans rivaux. Et évidemment, ils changeaient de camp au gré des promesses, des opportunités et des « donations ». L’avènement d’Ould Abdel Aziz, avec le slogan du « changement constructif », semble avoir ouvert les yeux à ces jeunes qui tentent aujourd’hui de rouler pour leur propre compte, et celui d’une ville meurtrie par un demi siècle de politique politicienne. Il est sûr cependant que l’appartenance de ce groupe émergent de « L’Espoir de Dechra » au même bord politique que les clans traditionnellement dominants (Lemden, Aghchorguitt) à savoir l’UPR, joue en faveur de la tendance de Sidamine Ould Ahmed Challa (opposition), même si, parmi les leaders de cette coordination figurent quelques noms qui lui étaient favorable dans le passé. C’est dire que le parti au pouvoir ne doit pas regarder « la bataille d’Aleg » comme un simple jeu de positionnement de tendances qui cherchent à s’imposer à lui comme les détenteurs de la légitimité populaire, mais une alerte sur les conséquences possibles d’une guerre fratricide. Les jeunes ont certainement raison de demander à ce que la gestion des affaires de leur cité leur reviennent (notamment en ce qui concerne l’élection du maire) mais il faut aussi qu’ils parviennent à en convaincre un parti au pouvoir qui est en train de suivre les traces du défunt PRDS, en se disant que « rien ne se gagne, rien ne se perd, tout se transforme ». Pour l’instant, il ne s’agit encore que d’une timide tentative de jouer dans la cour des grands, en affichant une sorte d’indépendance par rapport aux hommes politiques qui tirent les ficelles mais à l’approche des élections municipales et législatives, rien ne garantit que les anciens réflexes « pavloviens » du lucre ne viennent ramener l’eau qui coule à « Gweïbina » (Aleg) à son cours normal commandé par la tribu et l’argent.
MOMS
Source : L'Authentique (Mauritanie)

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