jeudi 22 décembre 2011

Qui serait derrière l’attaque de Addel Begrou ? (Analyse)




La ville frontalière de Addel Begrou (extrême est mauritanien) a été , mardi soir dernier, le yhéâtre d’une attaque sans précédent, au cours de laquelle des hommes armés revêtant la tenue militaire avaient pris d’assaut la brigade de gendarmerie.

Les assaillant avaient enlevé un gendarme et pris possession des armes et des munitions du poste, avant de se retirer sous les cris d’ « Allahou Akbar, vive Al-Qaïda et les moudjahidines! ». A l’issue de cette attaque, les doigts ont été pointés vers Al-Qaïda au Maghreb Islamique(AQMI) ; étant donné la guerre déjà ouverte entre la Mauritanie et cette organisation dans cette région.

Jusqu’au moment où nous écrivons ces lignes, aucune revendication n’a encore été faite de cette attaque, ce qui laisse le champ libre à toutes les supputations. Ceci dit, en examinant cet incident pour en situer la responsabilité, il ya un ensemble d’hypothèses qui pourraient se dégager. Ces hypothèses conduiraient à des affirmations aussi variées et complexes que ne pourrait l’être la situation actuelle du nord du Mali.

Si l’on essaie de discuter la thèse de l’enlèvement par AQMI qui semble la plus en vue pour le moment, on pourra alors se retrouver devant des hypothèses qui soutiennent ce point et d’autres qui l’infirment.

AQMI n’a jamais effectué d’enlèvement visant des soldats ou officiers de l’armée mauritanienne. Toutefois l’organisation a toujours fait recours à l’élimination physique de tous militaires capturés estimant qu’il s’agit de renégats (mourtedin), selon la jurisprudence des fqihs du désert. C’est d’ailleurs cette logique qui fut à l’origine de l’élimination de soldats mauritaniens à Ghallawiya et Tourine. L’organisation s’était aussi abstenue de tuer des militaires au cours de l’attaque de Lemgheitty, comme pour adresser un message à l’armée mauritanienne.

Ce qui est, pour le moins sûr, c’est que l’attaque de Addel Begrou avait, sans équivoque, visé l’enlèvement d’éléments de la gendarmerie et non leur élimination physique comme c’était le cas, par le passé, d’autres militaires. A cela s’ajoute le fait qu’ AQMI fait recours aux enlèvements, pour obtenir des rançons source des fonds nécessaires pour la continuité de son action. Mais les éléments des armées de la sous-région seraient la mauvaise adresse pour obtenir des rançons ou des financements quelconques.

Cela est d’autant plus plausible si l’on sait que la Mauritanie, il ya de cela seulement quelques jours, avait appelé, par la voix de son ministre de la défense, tous les pays à cesser de payer des rançons pour tarir les sources de financement des terroristes. Aussi les gendarmes mauritaniens n’ont jamais figuré sur la liste des principaux ennemis d’AQMI, contrairement à l’armée et à la police.

Ces faits corroborent l’hypothèse que l’attaque serait le fait d’éléments d’AQMI qui devraient exécuter une autre action demeurée inconnue. Après avoir été incapables d’effectuer leur mission principale, ils auraient recouru à l’enlèvement du gendarme. Ce qui laisserait entendre qu’il s’agit d’un acte isolé exécuté à l’initiative de quelque chef d’élément.

Si tel n’était pas le cas, il s’agit d’un acte qui consacrerait un revirement total dans la stratégie adoptée par AQMI face à la Mauritanie, laissant augurer d’une dégradation de la situation sécuritaire dans le nord. Une hypothèse qui semble peu convaincante, si l’on considère que AQMI doit encore s’occuper de sa situation interne, ainsi que celle du nord du Mali où une crise complexe, déjà perceptible à l’horizon proche, risque fort d’occuper le temps des jihadistes et les détourner de leurs ennemis lointains et par conséquent les contraindre à restreindre leur sphère d’influence.

Ce qui consolide davantage l’hypothèse de l’enlèvement par AQMI, c’est que, selon des témoins oculaires, les ravisseurs revêtaient la tenue militaire mauritanienne. AQMI ayant, au cours des années passées, pris possession de véhicules et d’habillements de l’armée mauritanienne, notamment à Lemgheitty, Tourine et Hassi Sidi. Toutefois, selon les observateurs, au nord du Mali il est possible d’acquérir toutes sortes d’équipements, y compris les tenues des armées de la sous-région.

Un autre détail vient également corroborer cette thèse : au moment de leur retrait, les ravisseurs criait des slogans en faveur des jihadistes. Si l’on considère qu’AQMI est directement responsable de cet enlèvement, cela va nous conduire inévitablement à désigner la qatiba d’ « Alvourghan » de l’algérien Yahya Jwadi, alias Abou ElHoumam ; notamment la faction de Khaled Abou Dhakir Al Chinghuitty, de son vrai nom Almaimoun Ould Meinnouh, ayant été le chef des jihaidstes durant les derniers affrontements avec l’armée mauritanienne dans la forêt de Wagadou.

Tant que la revendication de cet enlèvement n’a pas été annoncée, on demeure toujours dans la sphère des supputations, où les chances de vérité et de fausses pistes restent également partagées,

La deuxième thèse est celle d’une attaque menée par le groupe d’ « Al jihad wa Tawhid vi Gharbi Ivrighya » , dirigé par Soultan Ould Bady et Hamada Ould Mohamed Elkheir, ayant récemment fait défection de l’organisation mère AQMI. Ce que soutiennent des indices nouveaux, notamment la déclaration de cette djemaa relative à l’élargissement de sa zone d’action à toute l’Afrique occidentale.

Cela reste admissible à un moment où il s’agit d’un groupe récemment constitué encore à la recherche de ses propres marques et qui ferait recours à un tapage médiatique, plutôt qu’à une action d’autre genre, dans le but d’attirer l’attention de l’opinion et des médias. Ce dernier pourrait avoir reproché à AQMI d’avoir commis une erreur tactique en s’abstenant d’enlever les éléments des forces militaires de la sous-région.

Il faudra aussi noter que le groupe de Soultan, composé, pour la plupart, d’arabes des tribus du nord du Mali, aurait le privilège de pouvoir, sous la couverture de liens sociaux, se déplacer en souplesse pour atteindre des objectifs du genre.

Cette dernière hypothèse conduit à se poser certaines questions. Quel serait l’objectif visé à travers l’enlèvement d’un militaire de grade subalterne ? Une telle aventure serait-elle nécessaire pour rechercher à créer un tapage médiatique? Quel serait l’objectif final visé par les ravisseurs? Est-ce que c’est la rançon ou l’élimination?

Iront-ils remettre cet homme en liberté une fois retranchés dans leur fief, après des tractations et intercessions? La rançon nécessaire pour libérer ce soldat mauritanien équivaudrait-elle à celle qu’il faudra pour les européens enlevés à Tindouf?

Tuer ce soldat, mettra-t-il l’organisation naissante dans une posture plus confortable dans cette région fortement marquée par les interconnexions socio-tribales existantes entre les tribus des ravisseurs et celle du soldat pris en otage?

Cela dit, ces questions restent valables dans le cas où une troisième et hypothétique faction ne surgisse pour s’impliquer dans ce contexte.

M.M Aboulmaaly,
traduit de l’arabe par Ely Ould Maghlah


Source :
ANI (Mauritanie)

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