mercredi 23 juin 2010

Kaedi: L’agriculture dans l’impasse




Partout, dans les grandes places et autres regroupements de populations, une seule question hante les paysans qui redoutent une deuxième «année blanche». La riziculture qui a changé profondément, en 35 ans, le mode de vie des paysans kaediens, reste, malgré les espoirs nourris, l’activité la moins rentable, pour la grande majorité des populations. Entre les PPGI et PPGII (Périmètre pilote du Gorgol), les riziculteurs tournent et s’interrogent sur leur avenir, aujourd’hui plus qu’incertain. Si le premier périmètre fait sa cure de jouvence, à travers une réhabilitation encore inachevée, le second a besoin de travaux de renforcement pour panser les multiples plaies des différentes inondations, dont les stigmates restent, encore, visibles. Dans les deux cas, la campagne 2010-2011 semble plus que compromise. La situation est d’autant plus confuse que la dernière visite du ministre du Développement Rural n’a pas du tout rassuré les riziculteurs qui croulent, déjà, sous le poids dettes cumulées envers le Crédit Agricole. Le ministre n’a pas levé le doute qui plane sur les aspects techniques susceptibles d’assurer un éventuel démarrage de campagne, dans les meilleures conditions de réussite.
Pris ente l’exigence d’une campagne à teneur essentiellement politique et celle de conditions matérielles et financières insuffisantes, le monde paysan croise les doigts, pendant que la longue période de soudure s’étire indéfiniment, à leurs yeux, dans l’accablante manifestation de l’étouffante canicule qui règne, présentement, dans la région.

PPGI et PPGII : vers l’impasse mais…

Longtemps considérés comme la réponse à l’autosuffisance alimentaire, du moins dans la vallée, ces deux périmètres sont victimes d’une approximative gestion, aux conséquences désastreuses. Avec les changements de cycles de végétation, consécutifs à la sécheresse, l’Etat a entrepris une politique d’aménagement des terres, marquée par la construction de barrages et la mise en place de systèmes de rétention d’eau, sur les grands cours d’eau: le Gorgol et le fleuve Sénégal.
Dans cette stratégie, la culture du riz, qui devrait avoir une place de choix dans l’économie vivrière, a, surtout, bousculé les méthodes culturales existantes, en échange de pas grand chose. Respectivement mis en exploitation en juillet 1977 et juillet 1997, PPGI et PPGII sont structurés de manière identique. Par un malheureux concours de circonstances, les acteurs intervenant dans l’exploitation des aménagements (UNIONS, SONADER, UNCACEM, Délégation régionale) n’ont pas pu mettre en place une politique agricole cohérente qui aurait inscrit les activités dans la durée.
Pendant que le chef de l’Etat effectue le lancement de la campagne rizicole à Rosso, les paysans de Kaedi se sentent exclus de cette dynamique car, au-delà des discours, rien, sur le terrain; aucune prémisse encourageante ne pointe. Ce sentiment d’exclusion est d’autant plus réel que les deux périmètres sont dépourvus d’engins de terrassement ou de tracteurs pour le labour et la préparation du sol. Il est évident que ce déséquilibre, dans le fonctionnement du secteur, n’est pas de nature à favoriser l’émergence d’une agriculture compétitive. L’actuelle ne participe, au PIB, qu’à hauteur de 19%, avec une part infime (moins de 1%) dans le taux de croissance.
La réhabilitation du PPGI n’est pas encore terminée, même si, à grands renforts de forceps, l’entreprise en charge tente de se conformer aux vœux des institutions qui, prises d’optimisme démesuré, comptent démarrer la campagne ce 25 juin. Craignant une fin bâclée, la majorité des exploitants ne semble pas partager cet optimisme, préfère attendre une finition qui les épargnerait des problèmes structurels liés au système d’irrigation, au niveau, surtout, de la station de pompage. Le PPGII, moins âgé, certes, mais encore plus affecté, connaît, en ce moment, des travaux confortatifs qui ne résolvent, en rien, les problèmes de distribution d’eau. Ici, encore, c’est la station de pompage attenante au Gorgol qui pose un problème de conception. Les deux grands périmètres qui couvrent plus de 3000 ha sont, également, victimes d’un manque de lisibilité, dans la définition et la mise en place d’une politique agricole dont les rendements sont dérisoires, par rapport aux coûts d’investissements.
L’arrivée, à Kaédi, du directeur général de la SONADER, en fin de semaine – le vendredi 18 juin, très exactement – avec le conseiller technique du ministre du Développement rural, Abdallahi Ould Baba, précédemment directeur régional de la SONADER au Gorgol, confirme, après des réunions avec les acteurs, la tendance à aller, vaille que vaille, en campagne. Même si l’espoir existe, au moins potentiellement, il n’en demeure pas moins que la prise en compte de toute la problématique de l’irrigué reste entière, au-delà des interventions éparses et non coordonnées à tous les niveaux du secteur.

Une fois n’est pas coutume
Pour le renouvellement des instances des PPG, les langues se délient et réclament la mise en place d’une nouvelle dynamique volontariste, seule capable d’impulser une vision en réelle adéquation avec les ambitions du monde paysan. Apres une première assemblée générale, au cours de laquelle un bureau a été mis sur place, une frange dissidente, composée de 13 coopératives, sur les 20 du PPGI, s’étonne du manque de dialogue du conseil d’administration qui a ignoré la commission consensuelle de suivi chargée de tirer au clair le bilan des campagnes précédentes. Ainsi, sur la base des dispositions juridiques et réglementaires qui précisent les attributions de l’assemblée générale, les dissidents ne demandent, ni plus ni moins, que la révocation de tous les anciens qui ont trempé, d’une manière ou d’une autre, dans la gestion du PPGI et qui ont utilisé celui-ci, selon ceux-là, comme une «exploitation familiale», avec des considérations politiques sans aucun rapport avec les compétences. Dans ce contexte, de crise, un bras de fer est engagé entre les deux parties qui se dressent, manifestement, sur leurs ergots, dans l’attente d’un arbitrage des services compétents.

Biry Diagana
CP Kaédi

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