dimanche 2 février 2014

Zem-Zem : Les populations de Ould Birome et de Dar El Barka disent « Non » au projet d’attribution de 31000 ha à Rajihi

Zem-Zem : Les populations de Ould Birome et de Dar El Barka disent « Non » au projet d’attribution de 31000 ha à RajihiLa Coordination des commissions de suivi des affaires foncières des communes de Dar El Barka, Ould Birome et Dar El Avia (mouqata’a de Boghé) a tenu ce samedi une assemblée générale à Zem-Zem pour adopter un plan d’action commun contre la décision prise en Conseil des ministres dans sa session du 16 janvier 2014 d’attribuer une concession rurale d’une superficie de 31 000 ha à la Société saoudienne Al Rajihi sous forme « d’un bail emphytéotique ».


73 représentants de tous les villages des communes concernées (notamment Dar El Barka et Ould Birome) ont assisté à cette rencontre pour exprimer leur mécontentement à ce projet « qui représente une entorse au code pastoral et asphyxie la vie humaine et animale dans la zone », selon les termes d’une lettre ouverte adressée au Président de la République à transmettre par voie hiérarchique et qui demande son « annulation pure et simple au vu des dangers qu’il représente pour le présent et le futur ».

Ce vaste projet qui avait fait l’objet d’une affiche devant les locaux de la mouqata’a et des chefs-lieux des communes depuis le 5 juin 2013 est délimité au nord par les villages de Boutimbiskitt et Bougoutra, au sud à environ 4 km de la route Rosso-Boghé, à l’est par l’affluent Loueïd et le village de Zem-Zem et à l’ouest par la limite administrative entre le Trarza et le Brakna.

Un groupe d’ONG regroupées au sein du ROSA (Réseau des organisations de la société civile pour la sécurité alimentaire) apporte son soutien et son encadrement à ce mouvement de contestation qui n’est pas le 1er du genre dans la vallée du fleuve depuis près de trois décennies.

Constituée en février 2012, le ROSA qui regroupe une dizaine d’ONG (dont le FONADH, le Réseau des femmes M2000, Banlieues du Monde, APLV, ARDM, ADIG, AMAD, ANED, Actions, Au secours) intervient dans l’analyse, le suivi et le plaidoyer sur les politiques de sécurité alimentaire. Son coordinateur, M. Sarr Mamadou a tenu à assister à cette rencontre accompagné des représentants de l’AMAD et de l’APLV, respectivement Mme Aminata Wone et M. Sidi O. Hamoud, points focaux du réseau dans la mouqata’a.

Ouvrant la réunion après un mot de bienvenue du Chef de village, le Président de la Commission de suivi, M. Mohamed Salem O/ Nagi a d’abord rappelé les différentes étapes du combat mené par les populations concernées contre l’exécution du projet. « Nous avions rencontré les ministres concernées, les organisations de la société civile dont le FONADH et les cadres du terroir et organisé des sit-in de protestation contre cette attribution.

Le ministre de l’intérieur de l’époque, M. O/ Boïlil, nous avait rassuré que ce projet ne sera pas exécuté mais à notre grande surprise, lors du conseil des ministres du 16 janvier, il est à nouveau relancé », a-t-il dit. Face à cette situation et après épuisé tous les recours, les populations concernées ont décidé de s’en remettre au Président de la République par le biais d’une lettre ouverte.

Selon M. Cheikh Tidjani O/ Bleïl, un des membres du comité, « toutes les actions pacifiques prévues par la loi seront entreprises pour empêcher l’exécution de ce projet notamment des lettres ouvertes aux autorités concernées, des sit-in, des manifestations, des communiqués de presse ». A ce sujet, il a été proposé la tenue de sit-in devant les mairies de Dar El Barka et de Ould Birome et à la Mouqata’a de Boghé voire une grande marche de Dar El Barka à Boghé pour faire plier le gouvernement.

Les intervenants issus de courants politiques et communautés divers ont tous abondé dans le même sens en proposant des actions concrètes contre cette attribution qui signerait leur « arrêt de mort car portant atteinte à leur dignité et à leur mode de subsistance ». Tour à tour, MM. Mokhtar O/ Ndeyye, Haddou O/ Abdallahi, Mouzdaf O/ Ahmed, Oumar O/ Abdallahi, Amadou Aliou Bâ, Mohamedou O/ Meïdef, Mokhtar O/ Youness, Ibrahima Sow, Bambaye O/ Seïge, Ismaïla Samba, Mahfoudh O/ Sqaïr, Othman O/ Memlouk, Mohamed O/ Imigine ont appelé à l’unité et l’engagement sans failles derrière le comité de suivi auquel ils réitèrent leur entière confiance pour s’opposer par tous les moyens à ce projet ₺assassin₺ du secteur rural.

Ils ont appelé les populations « à dépasser leurs divergences politiques ou d’ordre communautaire et à sacrifier les intérêts personnels égoïstes et à s’unir comme un seul homme pour défendre leurs droits inaliénables ». Ils ont unanimement salué M. Sarr Mamadou et à travers lui les organisations de la Société civile regroupés au sein du ROSA qui se sont engagés à leurs côtés tout au long du processus.

« M. Sarr et ses camarades nous ont montré les voies à suivre aussi bien au plan juridique qu’institutionnel ». En somme, les populations de ces communes rurales sont disposées à entreprendre des actions concrètes à divers paliers : sit-in et manifestations devant les mairies, la mouqata’a, la Wilaya voire la Présidence pour faire entendre leurs voix.

Clôturant les discussions, M. Sarr Mamadou a d’abord félicité les participants « pour leur forte mobilisation et leur engagement militant pour la défense de leurs intérêts ». « Nous, en tant qu’OSC, sommes disposés à vous soutenir et à vous accompagner pour la préservation des droits humains des générations actuelles et futures ».

M. Sarr n’a pas manqué cependant de lancer une mise en garde contre « les tentatives de récupération politiciennes » en resserrant leurs rangs. « C’est le seul moyen de faire reculer le gouvernement ou de faire décourager l’investisseur », a-t-il assuré.

« Nous excluons tout recours à la violence mais demandons simplement à nos autorités d’appliquer la loi en vigueur (Ordonnance 83/127 et Code pastoral) et de se concerter avec les organisations paysannes et pastorales », a encore indiqué M. Sarr qui a fait remarquer que « tous les plans cadastraux ont été détruits par cette même administration qui nous demande paradoxalement de fournir des pièces justificatives sur nos droits de propriété foncière ».

Il a enfin invité les populations à redoubler leur mobilisation « pour se dresser contre ce projet qui porte à faux avec la réglementation et avec leurs intérêts ».

Notons que le ministre des affaires économiques et du développement avait précisé au cours d’une conférence de presse tenue à l’issue du conseil qu’il s’agit « d’un contrat de location exclusif de deux parcelles de terrain dans les wilaya du Trarza et du Brakna de l'entreprise "Rajihi" qui a signé un protocole d'accord avec le gouvernement mauritanien au terme duquel elle doit entreprendre un investissement d'un milliard de dollars US aux fins de réaliser un projet agro pastoral et un autre pour l’aquaculture et sa transformation ».

Il avait ensuite assuré que « ce projet humanitaire en faveur des populations locales assurera une récolte importante de blé et de mil en plus du maraîchage et de la fourniture d’aliments de bétail et de produits vétérinaires ».

Ce qui ne semble pas rassurer les populations riveraines qui ne cachent pas leur inquiétude face à un projet qui risquerait de porter un sérieux coup à leur unique moyen de subsistance c’est-à-dire l’activité agro-pastorale au profit de multinationales soucieuses d’amasser de gros profits.




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