mardi 12 octobre 2010

La SNIM peut-elle être privatisée ?





Analyse

La Société nationale industrielle et minière (SNIM) vient de créer une autre filiale, TAZADIT-SOUS TERRAIN, dans laquelle les Chinois ont une part de capital de 20%. Un fait qui peut paraître anodin, à première vue, quand on sait que l’Etat mauritanien est majoritaire (78%) dans le capital de la SNIM société qui est le deuxième employeur en Mauritanie, après la Fonction publique. Mais l’arrivée des investisseurs chinois peut ne pas s’expliquer seulement par la volonté des dirigeants de cette société de réaliser ce que ni elle ni son ancêtre, la Miferma, n’avaient réussi en un demi-siècle d’existence : réaliser une exploitation souterraine des réserves restantes après l’épuisement de la fosse à ciel ouvert de ce gisement.

La prise de participation chinoise dans le capital est sans doute une question de stratégie et de partenariat, quand on sait que l’ogre asiatique se positionne, de plus en plus, comme un acheteur clé du fer mauritanien (avec un système spécial de transaction qui permet à Pékin de faire payer ses services avec ce minerai). Devenue depuis 2009 le premier importateur du fer mauritanien, a surtout la Chine cherche sans doute à s’assurer que ses immenses besoins ne vont pas tomber sous la menace d’un épuisement de la ressource ou de l’impossibilité de les extraire du sous-sol. Pour l’année 2009, les importations chinoises ont représenté une part de 59% de l'ensemble des ventes du fer brut de la SNIM, devançant, pour la première fois, l'Union européenne (UE), avec 4,2 millions de tonnes achetées sur 10,3 millions de tonnes de fer produit par la Mauritanie, accusant un déficit de 5,5% par rapport à l'année 2008.

L’objectif, avec Tazadit Sous-terrain (et donc avec les Chinois comme partenaire) est d’arriver, à l’horizon 2012, à doubler cette production pour atteindre le cap des 20 millions de tonnes de minerai de fer.

Société nationale encore, la SNIM peut-elle continuer son développement sans s’ouvrir de plus en plus à des capitaux étrangers ? C’est là la question qui mérite d’être posée aujourd’hui mais que tout le monde a peur de prononcer. Déjà, en 2007, la possibilité de privatiser la SNIM a été effleurée du bout des lèvres et tout le monde s’est mis à crier au scandale. On avait alors parlé de bradage de ce qui faisait la fierté de la Mauritanie et les partisans d’un maintien de la SNIM dans le giron de l’Etat avaient mis en avant le fait que la société n’a pas de difficultés particulières, puisqu’elle continue toujours à dégager des bénéfices. Mais c’était raisonner dans le court et moyen terme. Une perspective de développement économique qui ne tient compte ni de l’épuisement de la ressource ni de la nécessité de prospecter d’autres domaines miniers que la SNIM, à elle seule, ne peut faire. Certes, la Snim avait privilégié, jusque-là, des actions de partenariats ciblés qui ont permis d’ouvrir de nouvelles perspectives : «Le projet Al Aouj qui est un joint-venture avec les Australiens (Sphère) et les Qataris. Avec un investissement de l’ordre de deux milliards de dollars, il vise à mettre sur le marché 7 millions de tonnes de pellettes (produit à forte valeur ajoutée) destinées principalement au marché du Moyen Orient. Et ce projet avec la société chinoise Minmetals pour l’exploitation souterraine de Tazadit 1 qui vise à produire environ 2,5 million tonnes/an de minerais. Cette production supplémentaire devrait démarrer en 2011. Pour beaucoup de gens ce sont des projets similaires qui peuvent ouvrir les portes de l’avenir à la SNIM en lui permettant de lancer de nouvelles exploitations, d’avoir accès à de nouvelles ressources financières, d’employer encore plus de monde et de devenir compétitive au niveau mondial. Seulement on oublie souvent le coup de la production du minerai dans une région difficile d’accès, où l’eau est rare sinon inexistante et l’obligation de toujours chercher à enrichir un minerai pauvre.

Privatisations : le pour et le contre

L’arrivée des Chinois dans l’univers de la SNIM relance les débats sur l’ouverture du capital de la société aux capitaux privés, surtout étrangers. En 2007, déjà, la question était posée avec acuité et débattue même, de manière sérieuse, dans le cercle des spécialistes économiques et financiers. A l’époque, le débat sur le cas d’Air Mauritanie et de la SNIM avait donné l’occasion à une véritable passe d’armes entre partisans de la privatisation et adversaires de ce qui ne paraissaient, à leurs yeux, qu’une simple opération de liquidation. On se souvient que les personnalités présentes supposées être là pour parler le langage de l’économie, à propos de la liquidation presque inéluctable d’Air Mauritanie et de la possible privatisation de la SNIM, n’ont pu s’empêcher de faire des excursions dans le domaine politique ! La position du pouvoir de l’époque, auquel on prêtait l’intention de privatiser la SNIM, avait été bien défendue par des économistes comme Mohamed Saleck Ould Heyine, ADG (Administrateur Directeur général) de la SNIM pendant plus de vingt ans et Chbih Ould Cheikh Malaïnine, économiste de renom, ancien ministre du Plan et président du Front populaire qui ont soutenu, mordicus, que l’idée de céder des parts de celles détenues par l’Etat mauritanien peut ne pas être mauvaise en soi. Si le premier insistait sur la nécessité de privilégier l’aspect développement industriel de la SNIM, dans une perspective mondiale, sur l’apport financier de tout nouveau partenaire, le second mettait plutôt l’accent sur le degré de prévoyance des nouvelles autorités et s’offusquait même du « souverainisme » en matière de politique économique tentant d’expliquer que si une plus grande ouverture du capital – ou la privatisation – de la SNIM peut contribuer à accroître le revenu national, il n’y a aucune raison à faire de la « nationalité » de la SNIM une raison d’Etat.

Dans l’autre camp, deux arguments sont avancés pour refuser la privatisation de la SNIM : la peur d’être floué (et de perdre les commandes) et la crainte de voir le fruit de la transaction dilapidé comme l’ont été, jusque-là, tous les financements qu’ils viennent de l’exploitation des ressources nationales (fer, poisson, pétrole) ou de l’APD internationales. C’est pourquoi le Dr Abdarrahmane Ould El Ghawi n’hésitait pas à poser la question : pourquoi privatiser ?

Dans le développement que ce professeur d’économie à l’université de Nouakchott avait fait, pour démontrer l’incongruité de la privatisation de la SNIM, on retrouve de précieuses indications sur la situation mondiale du fer, notamment la super concentration de la production (trois sociétés en détiennent les 70%) mais aussi sur le prix de ce produit sur le marché international (49 $US, soit une augmentation de 150% au cours des trois dernières années).

Dr Abdarrahmane Ould El Ghawi avait conclut son intervention par cette boutade : « vendons, si c’est pour de simples considérations financières liées à des difficultés de trésorerie mais sachons que nous n’aurons plus une seconde SNIM à vendre » ! Quand on sait que la bonne gouvernance n’a jamais fait bonne recette chez nous, il y a des craintes à ce que l’analyse de cet universitaire ne soit l’exacte réalité de tout le tintamarre qu’on avait fait autour de la SNIM et qui risque de revenir encore sur la table, au rythme où vont les prises de participation au capital de la société.

Sneiba Mohamed

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